1983. J’étais étudiant en « métiers du livre », à Bordeaux, et je commençais tout juste à me découvrir un goût pour l’art et le design. Un cours d’histoire de l’art à l’IUT, une expo Turner aux Beaux-arts, une expo Sonia Delaunay je ne sais plus où, l’ouverture du CAPC… Et puis en novembre de cette année-là, une copine me convainc d’aller aux Arts déco voir une expo sur une nouvelle école de design, plutôt italienne (Milan !) mais incorporant deux Bordelaises, oooh. Et puis quoi, un design pour nos années 80, une esthétique pour notre décennie ? Ça me parlait. Ce fut donc l’expo Memphis. Des meubles et objets robustes, épais, colorés, des formes franchement différentes de ce qui s’était fait dans les années 70. Enfant de la ville nouvelle (Cergy-Pontoise), j’étais déjà fort intéressé par l’architecture et l’urbanisme, mais le design c’était très neuf pour moi. Ai-je aimé Memphis ? Je crois bien que non, pas réellement – pourtant, et en tout cas, on se mit à voir cette esthétique partout, sur les pochettes de disques par exemple, ou dans certaines bédés (les silhouettes triangulaires de Serge Clerc), et son application à l’architecture m’enthousiasmait : Number One Poultry, la maison de Jane Porter-Street, The Circle et Butler’s Wharf à Londres, notamment… Je n’apprécie guère les années 80, rétrospectivement, et très banal en cela j’aime le « vintage » 50-60 – je crois bien n’avoir que deux objets en design Eighties, un téléphone et une bouilloire. Enfin, le cercle se boucle et je reviens de la nouvelle expo Memphis aux Arts déco de Bordeaux, trente-six ans plus tard, un peu songeur.