Un trottoir jonché d’aiguilles de pin, quelques pigeons qui roucoulent non loin, et la machine à souvenirs se met aussitôt en fonctionnement. Entre deux averses, mon bout de proche banlieue acquiert une clarté, un cachet redoublés. Le ciel étage des constructions géantes en blanc et en gris, il s’agit d’une des choses que j’aime tant ici, l’ampleur du ciel au-dessus des maisons basses, grand spectacle chaque fin de journée lorsque je pars en promenade urbaine. Empruntant cette fois un parcours passablement différent, je m’extasie des fleurs blanches grosses comme une tête qui s’arrondissent au sein de feuilles comme de grandes écailles rouge-vertes, je ne sais le nom de ces arbres, apprécie leur beauté ample et leur parfum prenant. Les livres fleurissent aussi, dans ces rues : je croise quatre boîtes à livres, dont trois que j’ignorais. Et des chats, des corbeaux, des pigeons, avec un petit vent en arrière-pensée pour n’avoir pas trop chaud. Certes je ne rapporte que deux bouquins — mais cela vaut mieux, après tout, le confinement et ses conséquences auront retardé de pas mal de mois le moment où mon domicile explosera sous la pression livresque, je crois.