Maman m’a dit ce midi que la maison de ma marraine reste abandonnée. Je ne sais pourquoi je m’étais imaginé qu’elle avait été vendue, nous la supposions même rasée étant donnée l’évolution radicale du coin de campagne angevine où elle se situe. Étrangement, il n’en est rien et Damiette resta donc suspendue dans le temps, à l’abandon depuis le suicide de ma pauvre marraine il y a quoi, une quinzaine d’années ? La solitude de cette vieille infirmière eut raison d’elle et imaginer cette maison, une longère que j’ai si bien connue dans mon enfance, close, immobile, lentement croulante, m’est comme un vertige mémoriel. Je l’habite encore si aisément, cet endroit particulier de mes jeunes années, dans un ensemble de souvenirs si intimes et formateurs – le frigidaire, les poules, le lit si haut, les allées, les courges à l’entrée du potager, les champs à perte de vue… – que j’ai peine à l’envisager comme encore présent, mais si réduit, en friche, figé dans une telle absence.