Installée ainsi, en attendant leurs coupes, dans l’ombre bleue des façades, Julia se sentit bien, l’impression de retrouver son assise. Vadim parlait d’une pentalogie de romans dont il avait eu la « folie » de débuter la lecture, c’était un grand dévoreur de bouquins, Julia était plus parcimonieuse, en lisait beaucoup moins que lui. Un vélo qui passait dans la rue lui envoya l’éclat de soleil de son rétroviseur. Une mouette glissait au-dessus de leurs têtes en ricanant.
« Tu penses à quoi ? » demanda Vadim après qu’ils ont commencé à déguster leurs glaces en silence.
« Toute action de l’esprit est aisée si elle n’est pas soumise au réel, déclara Julia.
— Qu’est-ce donc ?
— Une citation de Proust.
— Oh, madame est snob. Encore ta francophilie.
— Oui, confirma la jeune fille, songeuse. Mais je cherche à inverser les termes de cette formule, qui me tourne en tête depuis cette nuit.
— Je ne comprends rien à ce que tu racontes », s’amusa Vadim.
Julia grogna vaguement, continua à manger sa glace. Il y eut une brève mare de silence, la surface brouillée par les heurts sourds d’un train qui passait un peu plus loin. Au-dessus de la terrasse, un arbre frissonnait, léger.