Relisant Neverwhere de Neil Gaiman, je tombe sur un passage où il évoque les brouillards londoniens d’autrefois, le fameux smog, jaune et gluant. Ce phénomène n’existe plus, banni par les mesures du Clean Air Act de 1956 et, plus globalement, le nettoyage de la ville comme de la Tamise. L’autre jour que j’allais partir de Londres, la ville était joliment enveloppée dans une brume « ordinaire », c’est-à-dire un coton blanc. À Lyon non plus, les brouillards d’antan n’existent plus, pour les mêmes raisons : les terrains marécageux ne le sont plus, les fleuves et rivières ont été stabilisés, et les cheminées ne crachent plus leur fumée de charbon ou de bois. Je n’ai connu qu’un seul véritable brouillard lyonnais, une nuit dans la Croix-Rousse, et c’était du blanc, une belle brume opalescente. Pour m’imaginer les « soupes de pois » du London Particular, je dois donc faire appel à ma seule expérience d’un affreux bouillon de ce type. C’était quand j’étais ado, nous étions allé rendre visite à ma vieille sorcière de grand-mère maternelle, qui vivait du côté de Rouen. Et à notre arrivée à Pont de l’Arche, nous entrâmes dans un brouillard incroyable, un vrai mur, à ne plus rien voir, d’une couleur rousse et d’une puanteur terrible. Je me souviens bien de mes impressions, à marcher dans cette soupe infâme, humide et mouvante, mon amusement et mon étonnement, et quand on m’évoque le smog je repense à cet épisode dans l’opacité normande.
C’était bien du smog, grâce à la papeterie d’Alizay…