En ce moment, je suis obsessionnellement axé sur le Panorama, l’énorme ouvrage sur la fantasy et le merveilleux que je prépare pour les Moutons électriques. Des 416 pages envisagées au tout début, on s’achemine tranquillement vers les 640 pages au final. J’en maquette entre 6 et 16 pages par jour ; impossible de faire plus, pour être apparemment très simple, très sobre, un tel travail de mise en page demande un sacré boulot en réalité. Et du coup, l’univers semble comploter pour me faire croiser des « signes » directement liés au Panorama… Je suis certain que savants comme vous l’êtes l’un d’entre vous saura me sortir le terme spécifique pour ce phénomène des hasards pas du tout hasardeux que nous réserve notre attention.*
Ainsi par exemple, hier mettant à jour le nouveau logiciel Mac de traitement des photos, je suis tombé sur un cliché pris il y a quelques années à Brooklyn dans l’idée vague d’illustrer un papier du Panorama lors de sa possible réédition… (et ça marche) Ou bien sur Amazon, soudain l’on me signale qu’existe en DVD le film de Greenaway Prospero’s Book que je voulais revoir depuis longtemps et que je cite, bien sûr, dans le Panorama. Et le plus fort, j’ai trouvé ces dernières semaines dans les « boîtes à lire » deux Italo Calvino que la mise en page de l’article de Berthelot m’avait donné envie de relire… Si par une nuit d’hiver un voyageur dans l’édition de poche que j’avais étant étudiant, et Le Baron perché dans un beau cartonnage illustré par Nascimbene, chouette!
Du coup, je les ai relus. Pour retrouver hélas mon impression mi-figue mi-raisin d’autrefois: à la fois j’aime, je m’amuse, c’est très beau… et je ne suis pas entièrement convaincu, cette littérature-là me laisse en dehors. Je ne participe pas pleinement à la fiction car l’auteur lui-même se refuse à le faire, on sent bien qu’il ne s’agit surtout pas de littérature de genre, soyons sérieux s’il vous plaît même lorsque l’on donne dans la fantaisie (et non la fantasy). L’auteur ne joue pas le jeu et par conséquent le tout demeure un peu froid, ou un peu sec, j’imagine que c’est là le degré de « folie » maximum qu’accepterait un public de vieilles bibliothécaires et d’intellos entartrés. Je ressens la même retenue un peu bon chic bonne littérature chez Peter Carey ou Steven Millhauser : dommage, de mon point de vue. Un peu la même différence entre Littérâture et fantasy qu’il y aurait entre le jâââzz et le jazz-rock…
* Il s’agit d’un phénomène d‘apophénie.