Je fini de lire un gros essai sur l’architecture et l’urbanisme anglais après la guerre (Concretopia de John Grindrod), c’est-à-dire l’invention des grands ensembles, des villes nouvelles, des centres commerciaux, des groupes scolaires, des cheminements piétons, des reconstructions ; les rêves de monorail, les utopies du béton, le brutalisme, le design émergeant… En enfant de Cergy-Pontoise, une des villes nouvelles pompidoliennes, tout cela me passionne et me parle intimement. Ces folies architecturales, ces révolutions sociales, ces esthétiques, ces échecs aussi, sont dans mon univers mental comme dans mon vécu.
Avec la mode du « vintage » j’ai refait mon intérieur dans un mélange fifties – sixties – seventies et, tout en m’intéressant également beaucoup à l’architecture et au design contemporains, je ne peux jamais me départir d’un allant, d’une attirance pour ces réalisations depuis si souvent décriées – par exemple, Mérédith m’avait dis pis que pendre de Lorient et la fois où je m’y suis rendu pour un salon, j’ai découvert un joli petit port délicieusement sixties, une petite ville comme dessinée par Franquin et Jidéhem. J’aime à Londres la Southbank, le Brunswick Centre et le quartier de Barbican, ou bien ici celui de Mériadeck. Et à lire le récit de certains échecs, les grands gâchis créés par le dumping social des gouvernants, certains principes erronés aussi, les futurs avortés, je ne peux m’empêcher d’une certaine tristesse, un pincement doux-amer (tout comme je fus peiné d’apprendre l’autre jour sous la plume de Dominique Douay l’échec d’un quartier de Villeurbanne que j’ai aimé, le Tonkin).
J’apprends aussi, amusé, que mon goût d’antan pour le bowling dans de vastes salles parquetées est à la fois un fruit de cette époque (on mettait des bowlings au sous-sol des centres commerciaux pour faire à l’américaine) et hélas d’après Mérédith déjà un artefact du passé. Enfant des seventies, j’en regrette certains aspects, le multicolore, les passerelles, le futurisme, l’audace utopique… Et j’avais été heureux il y a quelque temps de constater qu’au moins l’une de ces utopies urbaines, celle de mon adolescence, le sud de Cergy, a finalement si bien vieilli. Même si les monorails et les hélicoptères pour tous ne se sont pas concrétisés.