Le compagnon d’un ami vient de mourir, après une très longue maladie. Alzheimer. Je me souviens de la dernière fois où je l’ai vu en bonne santé, nous étions descendus ensemble au marché, au pied du Père-Lachaise, première et unique fois où j’ai été au marché dans une rue de Paris. Maintenant, son ami va devoir racheter leur appartement à la famille. Parce que, n’est-ce pas, ils n’étaient pas mariés et donc, le survivant n’a droit à rien. L’Assemblée vient juste d’adopter le premier article de la loi sur le « mariage pour tous » et la droite pousse des cris de gorets qu’on égorge, multiplie les insultes et les propos abjectes. Tout cela m’oppresse, me dégoûte et m’attriste.
Archives de l’auteur : A.-F. Ruaud
#2354
Quatre jours à la campagne, dans le silence et le calme. Et même un peu de neige. Un peu de farniente qui se paye avant et après par un surcroît d’activité, afin de ménager cette plage de repos, mais c’est loin d’être désagréable. Longtemps que je me disais qu’il fallait que je passe chez mes parents durant l’hiver.
J’ai fini de lire Kraken de China Miéville, dont le goût pour les tournures obscures (et pas forcément parfaitement maîtrisées) gâche tout de même un milli-poil le plaisir de ce roman de fantasy urbaine bien tordue, où se croisent diverses apocalypses. C’est rigolo mais la prétention du style m’a semblé superfétatoire. Lu ensuite et à grandes foulées The Long Earth de Stephen Baxter et Terry Pratchett, de l’excellente science-fiction (avec une bonne dose de métaphysique comme l’aime m’sieur Lehman), tellement influencée par Robert Charles Wilson que l’on croirait vraiment lire une nouvelle œuvre de l’auteur de Spin. Ce n’est pas forcément un reproche : les deux écrivains livrent du coup un récit très ample de vision et très fluide de style (alors que les Baxter que j’avais lu dans le temps étaient d’une écriture aride et pesante, et que je butte trop souvent chez Pratchett sur ses foutues leçons de moral), la somme est vraiment supérieure aux deux. Le roman qui en résulte est très beau, plein d’images saisissantes et mémorables, vraiment du niveau du meilleur Wilson. Je commence maintenant la lecture du premier tome de la trilogie de Greg Egan.
Aussi profité de cette brève halte pour monter au grenier… et en redescendre une petite montagne de vinyles. Dont ce « collector »…
#2353
Hum, j’ai commencé à bien trier, doncque, mais d’évidence, il faudra plusieurs volumes: miscellanées (journaux et rêves, disons) et travelogues (voyages et humeurs psychogéo)…
Je constate que j’ai trouvé « mon » ton dans un billet du 20 janvier 2003. Avant, tout cela n’est pas très bien écrit, ça manque de style et de maturité. À partir de 2003, je me commence à me trouver. Curieux de voir comment ça s’est fait, soudain.
#2352
Il y a plus ou moins douze ans que je tiens ce blog. Et je n’ai nullement l’intention d’arrêter, d’ailleurs. Mais suite à une conversation avec Harry Morgan, j’ai commencé à plonger dans les entrailles de l’animal (le blog, pas Harry) et a essayer d’en retirer une moelle plus ou moins substantifique, in order to… quoi faire? Eh bien, peut-être organiser la matière d’un vaste recueil de miscellanées. Un recueil au sens « imprimé sur du papier », vaste parce qu’obviously, et pourquoi diable, mais parce que je demeure très attaché au livre en papier, soyons honnête, j’aime écrire, j’aime tenir ce blog, j’aime que flottent dans l’éther de la toile tous ces bouts de textes, mais qu’ils soient réunis, concrétisés, quelque part, en l’occurrence dans un livre, aussi petit qu’en soit le tirage (on demand), ne serait pas pour me déplaire. Seul obstacle: la masse même du matériau, et le temps que je devrais passer à le récupérer/trier. Outre l’aspect mémoriellement assez étrange, troublant, d’une telle activité. Oh well, we’ll see.
#2351
Je n’entretiens vraiment aucune nostalgie vis-à-vis des premiers albums de Marillion, ne supportant plus, de longue date, la voix de la premier chanteur — je me souviens que lors d’un concert de « Misplaced Childhood », leur troisième album, j’avais été déçu de ne plus tellement aimer, déjà —, si ce n’est celle des souvenirs de la découverte de ce groupe, en compagnie de Michel Pagel ou de Philippe Caille par exemple. Mais c’est du passé et si je suis devenu un grand fan de Marillion, c’est ensuite, depuis l’arrivée de leur chanteur, Steve Hogart, l’immense Steve h. Lui, c’est clair que je suis accro à sa voix. Et puis réentendre les anciennes compos du groupe révèle à quel point elles étaient faiblardes, pas très bien fichues et de sonorités pauvres — de nos jour, même les chansons les plus simples du groupe bénéficient de sons de guitare et de nappes d’effets sonores du claviériste qui sont d’une formidable subtilité, d’une grande beauté.
Pour autant, hier soir au concert lyonnais, qu’ils nous rejouent trois morceaux anciens fut une jolie surprise, une madeleine délicieuse, des moments de complicité au sein d’un récital d’une qualité peu souvent égalée — et j’en ai vu, des concerts de Marillion, pourtant. Je ne vais pas souvent à des concerts : aimant le jazz-rock et le progressive, d’évidence, les concerts n’en courent pas les rues (et ce d’autant que je n’apprécie ni le « prog métal », pour moi une bien pauvre hérésie, non plus que le « néo-prog »). C’est donc une séquence rare et exceptionnelle pour moi qu’un concert comme celui d’hier soir, avec en première partie Aziz Ibrahim, aux flots sonores entre Mahavishnu et Djam Karet, puis un Marillion d’une énergie, d’un équilibre et d’un charme réjouissants. Et quoique, entre nous, l’image de Lyon colporté dans l’un des vieux morceaux — une pute murmurant « j’entends ton coeur » — ne m’a jamais semblé d’un bon goût achevé, je ne fus pas le dernier à m’époumoner sur J’entends ton cœur/I can hear your heart. Étrange potion qu’un concert rock, on flotte, on se laisse porter dans la musique, dans une expérience d’écoute et de participation qui en fait un moment à part de la vie ordinaire. Belle nuit.
