#2276

Pas si facile, de passer d’un article à l’autre. Chaque fois j’ai un petit moment de latence, le temps de regrouper mes idées et… eh bien, c’est comme prendre une respiration avant un nouveau plongeon, en fait. Ayant fini le très gros papier sur le Londres victorien, je me suis donc changé les idées en bouclant le prochain catalogue des Moutons électriques (travail beaucoup plus important que je ne le pensais), et puis j’ai ajouté directement dans la maquette du Londres un encart sur Phyliis Pearsall, la dame qui créa le A-Z, les cartes de la métropole.

Mais cette fois c’est bon, j’ai démarré le chapitre suivant de Londres, une physionomie: celui sur le canal du Régent. Pourquoi le canal du Régent? Eh bien, parce que c’est l’un de mes endroits favoris, ce qui me semble reason enough. Histoire de prendre l’occasion d’évoquer les cours d’eau de Londres, les moineaux, les hérons et les foulques, les péniches basses et étroites, Erasmus Darwin (eh oui), Claude Monet, une brève citation d’Anthony Trollope, les polars de Joan Lock la bien nommée, Badger on the Barge de Janni Howker, Two Fair Plaits de Malcolm Saville, la communauté artistique de St John’s Wood, Alma-Tadema, un Margery Allingham situé à Little Venice, un passage du Night Watch de Sarah Waters, peut-être l’entrepôt de glace, sans doute les polars actuels de Paul Charles… Toute une tranche un peu transversale de Londres…

(photo par Isabelle Ballester, mai 2010)

#2275

Hier soir j’ai lu (en partie) un manuel d’ornithologie de 1898. Sur les oiseaux de Londres, oui, Londres bien sûr. Drôle et finalement assez fascinant, et empli de renseignements périphériques qui m’ont passionné. Le chapitre vraiment amusant est tout de même le quinzième : « The cat question ». Tout un programme !

The cat’s unchangeable character—A check on the sparrows—Number of sparrows in London—What becomes of the annual increase—No natural check on the park sparrows—Cats in the parks—Story of a cat at Battersea Park—Rabbits destroyed by cats in Hyde Park—Number of cats in London—Ownerless cats—Their miserable condition—How cats are made ownerless—How this evil may be remedied—How to keep cats out of the park

(Birds in London, W.H. Hudson, trouvé sur le projet Gutenberg)

#2274

Ces derniers jours ont été fort bousculés, occupé que je fus par plusieurs bouclages d’ouvrages — ce qui est toujours un moment un peu stressant et très absorbant. C’est donc chose faite, trois livres de la rentrée des Moutons électriques sont chez les imprimeurs. Et puis j’ai relu et corrigé le très brillant et réjouissant Apocalypses! d’Alex Nikolavitch, ce qui fait qu’en dehors d’une poignée de petits articles à relire, je suis de nouveau quasiment à jour. Je devrais donc me remettre à écrire — ces derniers jours, je ne le fis que pour ainsi dire à la sauvette, le matin et le soir, pour un petit papier pour le bulletin Remparts ou pour continuer un roman.

Mais durant ce temps, j’ai encore un peu avancé mes cogitations sur le Bibliothèque rouge de Londres. Il me faut finir d’écrire le gros chapitre sur l’ère victorienne, et j’avais encore à faire ceux sur le Blitz et sur le swinging London, les années 1960. Mais ma foi, à force de lire, de relire, et de regarder des documentaires, aussi, m’est venue l’envie de brosser un petit article sur le canal du Régent. Et un autre pas spécialement petit sur les Fifties, histoire que le portrait historique soit bien complet. La science avance!

#2273

Matin désert, la ville semble presque vide, rideaux tirés sur les devantures de boutiques et rues sans circulation automobile. Une brise caressante fait danser des cornes et des filets sombres dans l’ombre de ma chevelure portée sur le trottoir, nettement découpée par la lumière, sous le ciel d’un bleu sans tache. C’est même la seule ombre, à cette heure les immeubles n’en projetant encore ni d’un côté ni de l’autre de l’artère, comme si le matin collait leur part sombre aux façades. Pas d’habitants, pas de commerçants, la cité n’est plus livrée qu’aux seuls ouvriers, et l’unique bruit montant dans l’air calme le fait grinçant et tournoyant, une scie circulaire, qui chaque matin nous réveille. On a évacué la population sans me prévenir ? Visiblement, il s’agissait de faire place aux travaux : il n’y a plus que cela, tout alentour ça grince et ça tape. Les « maisons de ville », sortes de pavillons montés sur des terrasses, sont apparemment en cours de finition, enfin. Le supermarché en bas du nouvel immeuble doit ouvrir « courant septembre », l’entrepreneur demeure prudent. Mais des hommes en bleu vont et viennent dans la vaste caverne, et devant, sur le trottoir, gît l’immense ligne droite d’une poutrelle en fer, segmentée comme des étagères. Un trottoir mis à nu, béton et gravier, tout comme la rue : macadam arraché, Paul-Bert est un écorché qui crisse sous le pas, les plaques d’égout comme un eczéma. Plus loin, le terrain vague soulève ses monticules de gravats entre les lignes brillantes des nouveaux rails, s’entrelaçant au carrefour en un complexe arachnéen. Un ouvrier les décore de traits orange fluo, à la bombe. Une fille passe qui danse doucement sur sa bicyclette. Une autre me lance un méchant regard, elle ferait un très joli garçon dans sa salopette kaki. Dans la cour, les claquements d’aile d’un pigeon. Je retourne à mes propres travaux.