#4062

« En attendant, une soixantaine d’années de ruine accumulait des entrepôts noircis, des murailles de brique délavée, tout un décor aux couleurs neutres et tristes : celles du vitriol, de la mauvaise terre ou du fer battu. Hautes herbes, chiendent, buddléias arrimés partout, des arbres poussés au milieu de cours, des bosquets au coin des façades. Un vent acide poursuivait le détective. Curieusement, alors que l’on s’attendrait à ce que tout soit abandonné, çà et là des grappes de maisons subsistaient encore, un pub isolé à la haute façade jaune, le fronton bas et gris d’une école. Mêmes causes, mêmes effets, l’on aurait pu se trouver dans un quelconque bourg éloigné de l’East End londonien. »
 

Il y a une quinzaine d’années, j’avais attrapé une bonne grosse grippe. Je brûlais de fièvre à petit feu toute la journée et, lorsque je rentrais chez moi, j’avais le cerveau en ébullition et notais plein de choses dans un carnet destiné à cela, placé bien en vue sur mon canapé : de cette poussée de fièvre date le premier synopsis de ce qui est devenu le roman Menace sur l’Empire, mais aussi les deux amorces de la novella que j’achève, Les Arrière-mondes.

#4060

« Rencogné à une fenêtre, casquette vissée sur le crâne et regard sur le dehors, Bodichiev dévora le spectacle. Rien vers Wembley, rien non plus vers Hayes. Le cheminot avait vu juste : au bord de la voie, comme le train approchait de Slough, se déroula une vision post industrielle. À commencer par l’usine Horlicks, bâtisse de brique austère dont la grande tour crénelée, telle une sentinelle médiévale, voisinait avec une haute cheminée noircie qui semblait figurer sa lance. Après ce compromis entre la masse industrielle et le castel écossais, le talus grimpait. Bodichiev vit passer les immeubles décrits par les deux sœurs. Jusqu’à la petite ville se dessinait un décor d’abandon et de misère. »

Novella (185 000 s.) terminée, du moins pour le premier grand passage. Détails à régler, relecteur sans pitié, éditeur… il reste à faire, bien entendu, mais le principal est là. Et le programme que je m’étais initialement fixé pour cet été est enfin achevé : un recueil et deux courts romans, hop. Petit soupir de satisfaction.

#4059

En 2018, mes précieux camarades Christine et Mérédith avaient dirigé et publié une belle anthologie, intitulée SOS Terre et Mer, qui réunissait des nouvelles d’imaginaire dans le but de verser des fonds à l’ONG SOS Méditerranée. Et ça a bien marché, on a versé à cette ONG de chouettes petites sommes (et ça continue). Et puis, voici que les mêmes repartent dans l’aventure d’une anthologie : Prépare la paix, que des nouvelles qui comme le titre l’indique se déroulent dans des sociétés apaisées ou en passe de l’être — un beau défi narratif. J’ai eu le plaisir qu’ils me commandent et m’acceptent une nouvelle dont je suis plutôt fiérot, « Nulle part et en Crimée », située dans l’univers uchronique du détective Bodichiev mais sans celui-ci ; et partiellement en hommage gentiment accepté par l’auteur au fameux « Nulle part à Livérion » de Serge Lehman. Bref, je suis sacrément excité du lancement de ce financement, qu’il ne faut pas louper, la cause est trop belle ! We need you, les gens.

#4056

Eh oui, pour la fiction je m’amuse à écrire sous pseudonyme : Olav Koulikov. Je l’ai dit depuis un moment déjà. Et j’ai eu le plaisir de voir publié le mois dernier le quatrième volet des enquêtes de Bodichiev, chez le petit éditeur Koikalit (les trois précédents étaient chez les Saisons de l’étrange). Ainsi ai-je donc aligné ces dernières années Mémoires d’un détective à vapeur, Souvenirs d’un détective à vapeur, le court roman Menace sur l’Empire et ce tout nouveau Confidences d’un détective à vapeur.

Dans une uchronie où règne sur une bonne partie du monde l’Empire anglo-russe, monsieur Bodichiev et son fidèle assistant Viat Koulikov mènent depuis la métropole de London des enquêtes plus ou moins « de l’étrange ». Quelque part entre Maigret et Poirot, avec quelques gouttes de SF ou de fantastique. Un univers qui me tient énormément à cœur et auquel je ne cesse de revenir, depuis la première nouvelle qui fut autrefois au sommaire de la fameuse anthologie de Serge Lehman, Escales sur l’horizon. L’on suit au gré des volumes et en filigrane leur carrière ; dans le prochain se trouvera notamment la toute dernière enquête de Bodichiev, en retraite à Biarritz, et le récent propose l’une de ses toutes premières avec le jeune Viat. Confidences réunit cinq nouvelles et six vignettes courtes : « L’affaire des masques », « Les oiseaux du cimetière », « Le tumulte de Noël », « Sous le vent dalmate », « Les fantômes d’Alwych », plus des short shorts sur des perso secondaires, Viat / Beauchamp / Sigerson / Goudounov / Mrs Cherrytail / Boadicée, et une chronologie.

Je viens, hier soir, de boucler le prochain recueil de mon détective privé et l’ai rendu à mon digne éditeur à moi que j’ai. Archives d’un détective à vapeur, cette fois. Six nouvelles et une novella : « La pomme et la paille », « La question de l’alchimiste », « Ministère de l’Intérieur », « Les chats de Battersea », « Péril en l’île », « Les deux morts de mademoiselle Rose » et « Un ptérosaure sur la grève ». Sont en cours de finition une novella, Les Arrière-mondes, un court roman, Les Trois cœurs, et j’ai juste débuté le recueil Voyages d’un détective à vapeur… Une nouvelle inédite sera au sommaire de Fiction l’imaginaire radical n°3, d’ici peu.

#4039

Aux patères dans l’entrée, j’ai deux feutres et un canotier, mais le chapeau ne se porte plus guère. Tout juste en attendant devant la gare vois-je quelques hipsters à bonnet ou à bob et un groupe de beurs en casquette à visière longue ; les femmes sortent toutes « en cheveux », de nos jours, plus de couvre-chef. Je regrette cet appauvrissement de la mode et porte une casquette molle, presque sans visière, une légère l’été et une plus chaude en laine pour l’hiver. En constatant tout cela ce midi, je me suis demandé si dans l’univers de Bodichiev les citoyens portent encore des chapeaux. Bodichiev lui-même a souvent une casquette. Je vais indiquer ça, je crois, en passant.