#190

> Noté jeudi:

À chaque fois que je vais dans cette épicerie, je suis fasciné. Enfin, épicerie, disons plutôt: supérette. Or whatever. C’est pour moi l’endroit de Lyon le plus singulier, le plus diamétralement exotique.

Des rangées & des rangées de produits inconnus, étrange(r)s, des légumes biscornus qui flottent dans des bocaux comme des bouts de machins dans du formol, des sauces aux noms imprononçables (mais qui semblent toutes comporter le mot « chili » dans leur présentation en anglais, lorsqu’il y en a une), d’autres légumes, frais ceux-là, plus extraterrestres que tous les mets alignés dans la cambuse de Neelix (in Star Trek Voyager), & des pâtes, & des brioches toutes blanches, & des bonbons tous verts, & des friandises gluantes & translucides, & de la viande pourrie (enfin, faisandée) emballée dans de tous petits paquets roses, & des boissons en canettes bariolées, & des feuilles sèches, & des granulés mystérieux, &…

J’adore faire mes courses dans cette supérette!

Précision utile: c’est dans le quartier chinois.

En ressortant de la boutique aux merveilles exotiques, chargé de sacs, je rate le tramway, zut. Attendant la prochaine rame, je vois passer un jeune homme… Oh, écrire « beau » serait quelque peu en-deça de la réalité. Un rouquin, un vrai: cheveux en feu & peau blanche, parfaitement blanche. Pas même des taches de rousseur pour troubler le lait de son visage. Les arcades sourcillières légèrement tombantes, les yeux creusés, le nez droit & de belles lèvres luisantes, pas une beauté classique, mais fascinant. Ah, et puis les cheveux longs, ai-je oublié de préciser. J’aime les garçons aux cheveux longs. Son cou gracile, presque trop long, ajoute encore à sa grâce étonnante. Du regard, je suis cette apparition féerique, jusqu’à ce qu’elle entre dans le bureau de tabac — et qu’arrive mon tram.

> Noté vendredi:

Vernissage ce soir. Une petite expo d’Ambre à la librairie Passage(s), sur la presqu’île. Je réalise à quel point cela fait longtemps que je ne me suis pas promené en ville, lorsque je découvre que cette librairie (modéremment nouvelle, en fait) se situe tout près de l’hôtel de ville. Je deviens trop casanier… Enfin, l’expo est l’occasion de sortir un peu. Belle boutique, toute en longeuur. Peu de dessins, en fait: vraiment une petite expo! Deux peintures jumelles m’attire tout particulièrement — aquarelles, des arbres. Ambre me dira qu’il s’agissait de projets pour la couverture de son deuxième album chez Six pieds sous terre. Dommage: les essais étaient bien plus beaux, bien plus saisissants, que le montage final.

Chaque fois que je vois un expo d’Ambre, qu’il s’agisse de peintures ou d’illustrations pour des BD, je suis sidéré par son talent.

Ambiance feutrée d’un vernissage habituel — quelques copains avec lesquels papoter, dont certains pas vu depuis longtemps.

> Noté samedi:

Un client en caisse: jeune, cheveux blond/roux (strawberry blonde diraient les anglosaxons) coupés au bol, le teint clair & de grands yeux d’un bleu sombre, les lèvres pleines, des fossettes se creusent dans ses joues lorsqu’il sourit — et il sourit beaucoup. Un visage angélique, digne d’un modèle de chez Bel Ami.

Sauf qu’il porte une balafre sur la joue gauche, comme une craquelure qui se serait ouverte dans la peinture d’un Michel-Ange.

Et le plus curieux… C’est que cette balafre semble renforcer sa beauté. Une beauté d’autant plus forte qu’elle est imparfaite.

#189

Hum.

J’ai comme qui dirait écrit une sottise, dans mon entrée du 10: Philippe Claerhout, musicien du groupe XII Alfonso, me signale qu’il s’agit bel & bien de véritable accordéon, dans leur nouvel abum « Monet, vol. 1″… Oups. Pardon. :-S

#188

Fini de lire le Sherlock Holmes de Thomas Day: L’instinct de l’Équarrisseur (chez Mnémos). Je crois que c’est la première fois que dans le format roman, Thomas Day demeure purement Thomas Day! Comme dans ses nouvelles, j’veux dire. Energie, violence, humour macabre, stupre & puanteurs diverses… Je ne saurai dire que j’aime vraiment, en tout cas pas à 100%, c’est beaucoup trop éloigné de mes goûts & je ne le lirai tout simplement pas s’il ne s’agissait pas d’un ami, mais une fois fait l’effort — et notamment celui de lire la première enquête, stylistiquement & psychologiquement incohérente, assez faible: on voit qu’il s’agit en fait d’une nouvelle déjà ancienne, & quels progrès il a fait depuis! — j’arrive à apprécier cette sorte de « baudelairisation » à outrance du récit.

Non: je n’apprécie guère Baudelaire. 🙂

Trop grotesque, grandiloquent, morbide, pour mon goût. Thomas Day c’est un peu le même trip, mais au sein de la littérature populaire. Amusant d’ailleurs de constater à quel point son imaginaire rencontre ici celui d’Alan Moore dans la Ligue des gentlemen extraordinaires: on retrouve dans L’instinct de l’Équarrisseur cette même propension à mêler hardiment quantité de héros de la littérature populaire circa Victoria… Sauf que l’Empire Britannique décalé décrit par Thomas Day est empli de cette violence grand-guignolesque qu’il aime tant mettre en scène, bien sûr. Et puis autre point de rencontre entre Moore & Day: la fascination pour le mythe de Jack l’Éventreur.

Je ne suis pas allé voir From hell au cinoche, tiens. La VO n’a fait qu’un petit tour & puis s’en va… Tant pis, la critique était globalement maussade.

En revanche, pour rester dans le ton je me suis regardé l’autre soir Meurtre par décret, un vieux film avec Holmes. Vieillot, même — mais plaisant. Et Pagel m’a enregistré derrière un autre téléfilm sur Jack, je vais donc rester dans le sujet.

Ce matin je me suis mis à lire un autre pastiche d’Holmes, mais nettement plus canonique: The Haunting of Torre Abbey par Carole Buggé. Ce n’est pas la moindre des étrangetés du roman de Thomas Day que de nous bousculer, sévèrement, dans nos habitudes de lecture. D’ordinaire, lire un pastiche de Holmes (& j’en lis un sacré paquet, avouons-le) est un pur exercice de « pantoufles littéraires », un chemin tranquille dans un univers balisé & connu, confortable. Thomas Day est tout sauf confortable…