#306

J’ai regardé hier soir un épisode de la série télé britannique Murder Rooms. Qui n’est toujours pas diffusée en France (je doute maintenant qu’elle le soit un jour, hélas), mais dont j’avais acheté les cinq cassettes VHS. Et une fois encore, je me suis extasié devant l’extraordinaire qualité de cette production.

J’avais déjà vu le pilote de la série, « The Dark Beginnings of Sherlock Holmes », ainsi que deux téléfilms (car il s’agit d’une série par téléfilms, pas par épisodes comme une série américaine), « The Patient’s Eyes » & « The Photographer’s Chair ». Les trois excellaient à la fois par la beauté de leur photographie, le soin apporté à leurs décors, le jeu des acteurs — et bien sûr les scénarii.

Le principe de Murder Rooms est de nous faire suivre des enquêtes policières menées conjointement par le jeune docteur Artur Conan Doyle & par son mentor écossais, le professeur Joseph Bell. Il s’agit donc d’une nouvelle manière de considérer les récits de Sherlock Holmes — cette fois en considérant qu’ils auraient été inspirés pas seulement par le seul caractère de Bell (réellement l’un des professeurs de Doyle à l’université d’Edimbourg: il existe même un article du professeur Bell à propos d’Holmes) mais bien par ses enquêtes! Le personnage de Bell (joué par Ian Richardson, qui avait fait un excellent Holmes dans deux téléfilms plus anciens) est donc une passionnante re-création d’Holmes, en un homme âgé, à la fois compatissant & énergique, non dénué d’humour, professeur de pathologie & doué d’un génial sens de l’observation/déduction. Le créateur de la série (David Pirie, qui a également rédigé des romans d’après les téléfilms) s’est aussi inspiré de la rumeur selon laquelle Doyle aurait effectivement rédigé des relations d’enquêtes menées par Bell, ainsi que de deux faits troublants: Doyle fit ses études en même temps qu’un fameux « serial killer » de l’époque & son propre père était interné dans un asile de fous (il mourut l’année même où Doyle fit disparaitre Holmes aux chutes de Reichenbach).

Les trois premiers épisodes que j’avais vu étaient d’une complète noirceur mais, surprise, « The Kingdom of Bones » s’avère cette fois être nettement teinté d’humour. Oh bien sûr, l’intrigue n’est pas sans noirceur une fois encore, mais le ton de ce téléfilm se trouve rehaussé par des touches d’un humour à la fois malicieux & érudit. J’adore ce pompeux professeur d’Edimbourg, qui semble désigner la source du personnage du Professeur Challenger! Et l’aspect politique me semble également bien venu.

Le scénariste de cet épisode encore supérieur aux précédents? Hé, hé, pas un inconnu: rien moins que Stephen Gallagher. Excellent écrivain britannique de romans de suspense/horreur (La Vallée des lumière, Down Under, etc), qui co-créa l’amusante série Bugs & passa la dernière décennie à écrire pour la télé (il est récemment revenu à la prose, ce qui est sans doute une excellente nouvelle vu son talent). Je ne suis donc pas étonné, mais ravi, de le voir auteur d’un si bon film.

Seul regret: il ne me reste qu’un épisode à voir… Mais une recherche sur le web me dit que Murder Rooms devrait bientôt connaître une deuxième saison — chic alors!

Pour rester sur le sujet des séries TV, cette rentrée me gâte pas mal: la chaîne TMC semble décidée à rediffuser les téléfilms de Hercule Poirot dans l’ordre (pourvu que ça dure), et Série Club rediffuse enfin les 13 épisodes de Moon Over Miami. Entre le charme formidable de David Suchet dans le rôle du détective d’Agatha Christie (encore une formidable production anglaise) & le duo ravageur joué par Ally Walker & Bill Campbell dans une comédie policière digne des meilleurs Clair de Lune (dommage que le public américain n’ait pas suivi), mon amour pour les intrigues policières lêchées se trouve comblé.

Sinon, j’ai découvert qu’une nouvelle série adaptant les enquêtes de Nero Wolfe, l’Homme aux Orchidées, avait été produite par A&E (deux saisons). Les fans semblent ravis par sa fidélité & certains des scripts sont par Stuart Kaminski, rien que ça — mais peut-on seulement rêver d’une diffusion française?

#305

Courtesy of Olivier & Guillaume, cette lumineuse citation que j’emprunte derechef & sans vergogne au weblog Les Eaux Troubles:

« La langue de la poésie ne se laisse enfermer en aucune catégorie, ne se peut résumer à aucune fonction ou formule. Ni instrument, ni ornement, elle scrute une parole qui charrie les âges et l’espace fuyant, fondatrice de pierre et d’histoire, lieu d’accueil de leur poussière. Elle se meut à même l’énergie qui fait les empires et les perd. Elle est cette arrière-cour délabrée, envahie d’herbes, les murs couverts de lichens, où s’attarde un instant la lumière du soir. »

Lorand Gaspar, Approche de la parole.

#304

Allez hop: un post le vendredi 13, tiens!

Lu hier soir Gotham de xavier Mauméjean (au Masque). Un très étrange & prenant roman noir, très noir, sur la plongée dans la folie d’un as de la publicité. Humour glacial, style clinique, dérapage horticole… Fascinant & frissonnant, un court roman dans un genre qu’il ne m’est certes pas l’habitude de lire. Merci Xavier: but don’t worry, je ne suis pas encore tout à fait aussi cinglé de plantes que Jonathan…

#303

Lectures bédéphiliques…

Je ne fais pas ça très souvent, mais une fois n’est pas coutume je m’étais laissé séduire dans le catalogue Previews par un petit comics indépendant dont je ne connaissais pas du tout l’auteur — et qui débutait juste. Rover par Michael Foran, chez Monkeysuit Press.

Bien m’en a pris: c’est vraiment très sympa, très intrigant. Une bédé muette, N&B bien entendu s’agissant d’un indépendant, narrant (montrant!) les péripéties d’un petit robot (le Rover du titre) sur une planète qui lui est inconnue. Il rencontre un indigène gentil, des indigènes pas gentils, des bestioles bizarres… Si le principe ressemble assez aux Frank de Jim Woodring, en revanche pour l’ambiance on est plutôt du côté de l’enfance, de la tendre naïveté à la Winnie-the-Pooh… Vraiment, ce Rover est joli comme tout & je tacherai de mettre la main sur les numéros suivants lorsqu’ils sortiront.

En matière de comics, il est très (trop) fréquent que j’entasse pendant longtemps les numéros sans les lire — pour enfin me décider un jour & tout dévorer d’un coup. C’est ce que j’ai fait il y a quelques jours avec la série Ruse, de chez CrossGen.

Je savais que ça me plairait, pensez donc: un univers pseudo-victorien, avec un enquêteur pseudo-holmèsien dans une métropole pseudo-londonienne… Le tout avec un petit « twist » de fantasy, puisque la belle (assistante? partenaire?) du détective, Emma, est douée de pouvoirs magiques (sur la nature & l’origine desquels nous sommes toujours sans explications — ce devrait être une intrigue majeure pour le futur, je suppose).

Et je ne fus pas déçu: le génial détective, Simon Archard, a un caractère de cochon & zéro social skills mais un panache terrible lorsqu’il s’agit de remettre la main sur un mystérieux criminel. Emma Bishop est opiniâtre & amusante. Les personnages & les dialogues ne décollent pas d’une correcte manière typique du comics mainstream, c’est-à-dire un peu trop rapide & manquant de subtilité, mais c’est plaisant, le scénariste Mark Waid connaît son métier — à défaut d’avoir le talent d’un Alan Moore ou d’un Warren Ellis, il sait divertir.

Le dessin? Oh, c’est de cette sorte de « nouveau kitsch américain »: du réalisme hyper-léché au point d’en être mignard, rehaussé de couleurs informatiques aux effets tape à l’oeil & froids. Gageons que ce style vieillira très vite — mais là encore, je m’en accommode pour une fois (lu aussi, il y a peu, la première reliure de The Magic of Aria, dans le même gabarit mais en fantasy urbaine).

Ruse propose un univers à la Holmes assez amusant & décalé pour retenir l’attention d’un fan de detective story victorienne, je pense. Que donnera la reprise par un autre scénariste, au n°13? Attendons voir: je viens de lire les onze premiers fascicules & me suis bien amusé, c’est déjà ça.

Para-Holmes encore… Je me suis un peu moins amusé, en revanche, à la lecture du nouveau « Dick Hérisson » par Didier Savard (chez Dargaud). Pourtant, j’ai toujours été un grand fan de ce (trop discret) dessinateur — depuis ses tous débuts, puisque plus jeune je lisais la revue gauchiste marseillaise Méfi!, où il débuta. Hélas, que se passe-t-il? En fait, je suis inquiet: non seulement le dessin de ce dixième tome est-il assez médiocre depuis le début (trait imprécis, comme si l’auteur avait encré avec un feutré abîmé), mais vers la planche 34 ça se détériore terriblement — et à la planche 40 c’est l’horreur, des anatomies bancales, une page vide, des personnages mal fichus & un trait effiloché! Didier Savard est-il malade? Mince, quelle déception: j’attendais avec impatience ce nouvel opus des enquêtes paranormales du Harry Dickson provençal… Quoique l’intrigue soit bien fichue, tout de même. Mais le dessin…

#302

Anecdote plaisante: « Julien Green raconte dans son Journal que, hésitant sur une tournure, il la trouve dans le Grand Robert, illustrée par une seule citation, extraite d’un texte de lui-même. »

(rapportée par Alain Rey, dans un entretien au Magazine Littéraire en décembre 2001).

Bonheur, honneur! Suite à nos échanges quant aux détails de la vie d’Arsène Lupin, Jean-Marc Lofficier a mis en ligne, sur son magistral site French Wold Newton Universe, une version chronologique retravaillée & traduite en anglais de ma biographie du fameux gentilhomme-cambrioleur français: Arsène Lupin a Timeline — avec quelques incursions périphériques dans les vies d’autres célébrités de l’époque, en l’occurence A.J. Raffles, Sherlock Holmes, Lord Lister & Nero Wolfe.