Les mains d’Annick
Je pense parfois à Annick. En particulier lorsque l’on me parle d’âge, comme maman le fit dimanche dernier.
Je connaissais peu Annick, simple relation du milieu SF mais sur un mode très amical, chaleureux, quasiment maternel. La dernière fois que je l’ai vue, c’était au resto, quelque part dans une nuit parisienne après un événement qu’elle avait organisé & auquel elle m’avait invité. Gilou & moi venions de nous faire traiter de gamins par Dantec, nous pouffions de conserve, des mains tendres virent se poser sur mes épaules. Je n’eus pas besoin de me retourner, je sus qu’il s’agissait d’Annick. Je posai simplement ma main droite sur mon épaule gauche — & j’eus soudain la révélation de l’âge d’Annick. Cette femme si dynamique, si énergique, possédais des mains à la rugosité incroyable. Je posais mon autre main sur la sienne, croisant mes bras sur ma poitrine. À la fois rudes & douces, ses mains. Comme un cuir très ridé, très vieux & très usé — l’image me vint de la peau d’une tortue. Je rejetai ma tête légèrement en arrière, pour sourire à Annick. Autour de nous riaient les invités, ambiance à la fois chic & relaxée, littéraire & conviviale, baignant dans une chaude lumière alors que de l’autre côté de la vitrine la rue brillait d’une pluie nocturne. Annick avait une broutille à me confier, je l’accompagnai près du comptoir.
Quelques jours plus tard, Annick succombait à une crise cardiaque et j’apprenais son âge. 70 ans? Était-ce possible? J’ai toujours été mauvais pour évaluer l’âge des gens.
Cet instant d’une soirée & le toucher de ses mains demeurent toujours dans mon souvenir.