#778

>> Devon & Cornwall (2)

Totnes — Première reprise de contact avec le charme d’une petite ville british, simple et belle dans son habit de façades pastelles, de pierres médiévales et de pluie battante.

La rue principale exhibe deux des forces que j’admire dans les boutiques anglaises: la gastronomie — et zut aux sots qui s’imaginent toujours que la cuisine anglaise est mauvaise: comment encore le croire devant les vitrines de salons de thé, aux étalages d’épais gâteaux couverts de crème, de scones dorés et de tartes appétissantes? — et les librairies. Avec un constat presque démoralisant pour le petit éditeur français que je suis: si plus personne ne semble acheter de livres en France, il suffit de remonter l’artère commerçante de n’importe quelle petite bourgade britannique un peu cossue pour y voir quantité de librairies. Totnes ne lésine pas: une bonne dizaine de bookshops sur bien peu d’hectares. Ah, s’il en allait pareillement chez nous!

À la Poste, où je me suis rendu afin de faire provision de timbres, une vieille dame plaisante gentiment avec la guichetière, explique que cela va être l’anniversaire de son frère, puis se penche vers sa voisine de guichet, tirant sur sa manche de gilet avec un « Hello my dear » souriant.

« Lovely morning isn’t it? » plaisante l’autre, tandis que la grêle martelle avec violence le perron du post-office. « Mais attention aux coups de soleil », ajoute-t-elle.

View from the hotel's window

#777

>> Devon & Cornwall (1)

Au moment du départ, la surface de la mer se fait moins froissée, lissant sa vieille peau d’émeraude nocturne.

Une fille parle dans les hauts-parleurs des caleçon longs du capitaine et de gilets de sauvetage. Il est vrai que l’eau doit être froide.

Un peu plus loin au large, une île à l’aspect de dent creuse se fait pleuvoir dessus, tandis qu’une trouée dans les nuages transforme en grand sous d’argent une baie ponctuée de cailloux, entre le rivage plat que fend seulement la pointe d’un clocher, et la grande île veloutée de forêt. La lumière se conjugue à l’éloignement pour nous faire croire que les récifs surfent sur un brisant brillant.

Roscof s’éloigne derrière le ferry et l’horizon passe du blanc de l’abord des îles au bleuté anthracite du large.

#775

Le piège: Jean et Gino m’ont convié à prendre la suite de cette liste. Argh.

1. combien lisez-vous de livres par an?

Houlà, impossible de répondre! Je n’ai jamais tenu de comptabilité. Et je lis tant et tant… Mieux vaut ne pas savoir, sinon ça (me) ferait peur. Et puis, comme le disait Gino, il y a aussi les bédés. Sans parler des magazines… J’ai actuellement vingt-huit bouquins sur mon étagère « à lire ». Ce qui sera fait d’ici la fin juin, sans doute.

2. quel est le dernier livre que vous ayez acheté?

L’énorme recueil de souvenirs de Nick Mason, sur Pink Floyd. Très beau, passionnant — et sans forfanterie: Mason est étonnament simple et sympa, c’en est même touchant. Cependant… la musique est étrangement absente d’un tel livre. Mason ne s’intéresse qu’aux anecdotes, visiblement pas à l’art.

3. quel est le dernier livre que vous ayez lu?

Un mauvais roman, hélas: « The Mount » de Carol Emshwiller. Vous vous souvenez de la fausse pub des Nuls sur l’Afrique du Sud? Ben ce sont les mêmes prémices: l’humanité considérée comme des montures. Des ET nous ont envahis et réduits à l’état de chevaux pour les porter. Oui, bon. C’est plat, ennuyeux, linéaire, pas spécialement bien écrit. Cette autrice est une formidable nouvelliste, mais alors pour ce qui est d’un roman….

4. listez 5 livres qui comptent beaucoup pour vous ou que vous avez particulièrement appréciés.

« Adieu à Berlin » de Christopher Isherwood. N’importe lequel des recueils de nouvelles de Sherlock Holmes, de Conan Doyle. N’importe lequel des romans sur l’Homme aux orchidées, de Rex Stout. Les deux Zorglub par Franquin dans les « Spirou et Fantasio » (on va les compter pour un, d’accord?). « Colline » de Jean Giono.

5. a qui allez-vous passer le relais (3 blogs) et pourquoi?

Oups. Je crois bien que les quelques bloggeurs que je connais ont déjà répondu…

#774

Quart d’heure de célébrité? Guère: pas même une dizaine de personnes, hier en fin d’après-midi, pour ma « rencontre-dédicaces » à la Fnac de la Part-Dieu. Pas encore cette fois-ci que je vais pouvoir prendre la grosse tête. Too bad. En soi, cet entretien public fut plutôt agréable malgré tout — sans doute aimè-je trop parler pour ne pas apprécier de le faire, fut-ce pour aussi étique audience. Le journaliste connaissait son affaire, c’est même un gachis de talent. De manière amusante, il était le portrait tout craché d’Angelier, un Angelier plus jeune. Dans le public, l’inénarrable Paul, et un vieux copain/client qu’il est agréable de revoir, Arnaud. Du coin de l’oeil, je vois passer en fond de salle un dessineux de ma connaissance, la libraire sympa du rayon SF, et mon ex-boss. Trois signatures, c’est plié.

Pour poursuivre dans cette soirée dérisoirement mondaine, je file ensuite en ville, à la librairie branchée « Le Bal des Ardents ». J’aime bien cette boutique étrange, qui ne vend que du bizarre, des bouquins de design un peu zarb, des bouquins de cul sophistiqué, d’ésotérisme intello (où ailleurs trouver l’intégralité du catalogue de chez Jérôme Millon?), de bédé invendable, de littérature culte…

Mes copains des éditions Tanibis y avaient organisé une expo-dédicace d’Ivan Brun, pour l’album qu’ils viennent de publier. Presque tous les branchouilles de ma connaissance s’y trouvaient réunis, piétinant sur le plancher grinçant: Ambre, Lucas Méthé, Markus Leicht, le bibliothécaire Henri, Aurélien, Claude, Sam of course… Une bonne occasion pour tenter d’arracher une collaboration de ce fainéant de Lucas à Fiction, ainsi que deux crobards à Ambre pour un autre projet. Aux murs, les planches sont belles. Les tableaux ne me plaisent guère, du réalisme social à deux balles. Blah-blah, potins, points de vue. D’une prof des Beaux-Arts, Ambre s’exclame « ah oui, typique le genre artiste! » — fait-il avec une imitation parfaitement bien vue: j’adore, on trouvera toujours moyen d’out-snober les snobs! Une tête grise ne fait que passer, Chomarat, grand ponte culturel local.

En rentrant, je me fais accoster dans un couloir de la station Charpennes: un graphiste qui m’a entendu discuter lors de l’expo, et voudrais proposer aux Moutons électriques les travaux de son groupe d’illustrateurs — well, why not?