Après une nuit encore lacérée par les lames de l’insomnie, je passe, la tête encore embrumée, laisser mes clefs à la librairie pour Rafu, des fois que. Installé dans un TGV un peu en retard, j’ouvre l’Huma du jour et découvre presque aussitôt que Beaubourg est fermé pour cause de grève: et zut, je me rendais justement à Paris dès ce lundi parce que le Centre Pompidou est l’un des rares musées parisiens qui ne soit pas fermé le lundi…
Désoeuvré, je remonte lentement les quais. Sur une petite place, des travaux ont jeté à bas le mobilier urbain. Sur le socle renversé d’un poteau, un grand papillon frémit délicatement au soleil.
A l’Hôtel de Ville, l’expo sur Doillon n’a pas encore débutée, je me rends donc à celle sur Cabu. Je n’ai jamais vraiment prisé ce dessinateur, admirant l’aisance de son trait mais fort peu son humour souvent lourd et réactionnaire. Belle expo tout de même, quoique le film l’accompagnant soit d’une jolie niaiserie. Le hasard fera que je passe, un peu plus tard, devant le siègle de Charlie Hebdo.
Devant le Centre Pompidou, les touristes errent, en désarroi. Devant moi, un garçon tiré par deux molosses s’arrête devant une palissade de tôles ondulées vertes et blanches, enserrant le terrain vague formé dans un angle par la disparition d’un immeuble. Des aboiements s’élèvent de l’autre côté du mur de fer, le garçon échange quelques paroles par-dessus les jappements, se présente ensuite à la porte du terrain vague, commence à triturer une lourde chaîne. Un autre garçon émerge derrière la grille: il est complètement nu, même sa tête est rasé. Il laisse entrer son copain, le mur de fer se referme.
Je m’étais promis de prendre du temps pour avancer un synopsis de roman. La machine à idées fontionnant à plein lorsque je marche, et puisque j’en ai tout le loisir, je m’installe dans un Starbucks boulevard de Sébastopol, pour gratter un peu en sirotant un de leurs délicieux chai tea latte.
Poursuivant ma dérive de sucette historique en sucette historique et de place en bouche de métro par Guimard, après un passage à la librairie Galignani j’aborde l’Opéra, où je n’ai rendez-vous qu’en fin de journée. Nouvelle pause Starbucks, quelques pages. Repartant pour République, histoire de dire bonjour à une copine qui bosse à la librairie l’Arbre à Lettres (33 Bd du Temple), j’effectue dans un pub un nouvel arrêt écriture, de quoi reposer mes voûtes plantaires qui protestent, et de boire une demi-pinte de Strongbow. Au proche horizon, la tour St Jacques emmaillottée de blanc mime une navettte spatiale sur le pas de tir. Les garçons que je croise sont souvent beaux, les bancs franchement trop rares. En fin de journée, la lumière se fait caressante, éveille des ors à l’angle des toits. Le soleil déclinant attendri la ville — on respire du rose, écrirait Réda.
Merci pour ta petite visite, ça m’a fait bien plaisir 🙂
Joli petit texte.
Redécouvrir Paris grâce à quelques petites scènes vues par les yeux d’un autre aide à en supporter la morosité parfois pesante.
A bientôt!