#1101

Fin du voyage parisien: tôt levé une fois encore, afin de tenir ce blogue à jour (faut être fou), je quitte l’appartement de mon oncle pour une petite balade à pied, en attendant l’heure de mon rendez-vous avec Rafu. Le terme « flâner » n’existe pas en anglais, il paraît que c’est même un concept très français. Eh bien soit: flânons. J’apprécie également le terme « se baguenauder ». Désuet et amusant. Il faut bien avouer que j’ai un certain penchant pour le vocabulaire désuet, l’autre jour un ami me faisait remarquer que j’étais sans doute le seul à parler d’une gabegie.

Dans son expo, Cabu explique qu’il apprécie notamment la qualité d’anonymat, dans Paris. Je ne discerne pas très bien en quoi il s’agirait d’une qualité, il me semble plutôt qu’il s’agit d’un travers urbain assez triste. D’aucuns, à Paris, tentent de vaincre ce mal par l’excentricité de leur tenue: je croisai tout d’abord Lucky Luke — qui a pris de l’âge, depuis le temps qu’on racontre ses aventures en bédé, mais c’était bien lui: Stetson blanc, foulard rouge, etc. Puis une femme-de-fer qui ferait passer même Marion Mazauric pour une douce créature — cheveux gris en brosse, grande taille, visage pointu, cuir et métal, veste cintrée, hautes bottes, accessoires inquiétants. Enfin, sans doute plus banalement, c’est Hercule Poirot que je croisai — tout y est, de la petite bedaine à la calvitie, la fleur à la boutonnière, l’élégance un peu ancienne, et la moustache of course! sans doute suis-je encore dans l’atmosphère de l’essai que je sors bientôt aux Moutons électriques (co-écrit avec Xavier Mauméjean), mais la ressemblance me frappe.

Passage par le quartier de l’Horloge: je me souviens l’avoir vu construire, dans ma jeunesse parisienne. Je réalise n’y être jamais allé depuis, en fait. D’utopie architecturale, tout ce béton de la fin des seventies est déjà passé à une lourdeur un peu angoissante, un enfermement souillé par le Co2. Je viens de passer devant une petite librairie de bédé, « Super-héros », en voici encore une autre: « Fantasmagories ». Fou le nombre de librairies de bédé qu’ilo peut y avoir à Paris. Il est vrai que c’est le dernier refuge des bonnes ventes de livres.

Attendant Rafu, je m’assied sur le rebord métallique de la fontaine du Centre Pompidou. Quelques jeunes gens visiblement heureux sortent devant l’IRCAM. Des touristes passent et repassent. Photo, photo, photo. Un groupe de jeunes blonds me demandent de les photographier. Beaubourg ensuite: peu enthousiastes, malgré quelques bonnes surprises (les peintures d’Yves Klein au feu, les débuts multicolores de Rauschenberg). Sommes-nous réactionnaires? Nous devons bien reconnaître demeurer très attachés à la narration — d’où notre goût, en ces lieux, plutôt pour la photographie. Superbe expo des collections de la Caisse des Dépôts, à ce titre. Temps de regagner Lugdunum, où dès le soir je poursuis les « mondanités », avec une intéressante conférence d’un ponte culturel local, étonnant d’équilibre entre la provocation et le politiquement correct. La médiation culturelle est visiblement affaire de diplomate.

5 réflexions sur « #1101 »

  1. le seul à utiliser gabegie ? Il me semble qu’un certain borgne puant l’emploie volontiers aussi, mais ce n’est pas une raison pour lui laisser l’exclusivité…

    Quant à l’anonymat, j’imagine qu’il s’agit d’une qualité quand tu es célèbre…

    Bonnes baguenauderies, le nez au vent tel un héros tatiesque…

  2. pour Enro: nan, je connais la librairie « Super Héros » de réput, bien sûr, mais c’est tout. Eh, j’suis pas parisien! et puis, j’ai longtemps libraire de bédés moi-même. Je continue à me fournir surtout chez mon ancien employeur.

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