#1376

London jan 08 / 5

Dimanche, long périple solo d’un bord à l’autre de la métropole, à la poursuite de sujets à photographier pour la Bibliothèque rouge. À partir de l’hôtel, dans South Kensington, destination Chelsea (logis de Bram Stoker quand il écrivait Dracula), puis passage par Pimlico (pour retourner à la librairie de la Tate, acheter un ouvrage sur les Vorticistes que j’avais repéré et hésité d’acheter). Plusieurs lignes du métro sont en travaux ce week-end, je marche donc plus encore que prévu. La ville en ce dominical matin se trouve dominée par un ciel d’un gris ivoiré sous lequel tremble quelques bancs de brume blanche, légère. Comme chaque fois que je me promène dans Londres désert, j’ai l’impression d’être dans un décor de Chapeau melon & bottes de cuir — impression encore renforcée cette fois par ce groupe de vieillards chenus en long uniforme rouge, des retraités de l’hospice militaire de Chelsea, je ne pensais pas qu’ils s’habillaient encore ainsi.


Je monte dans le Nord: les hauteurs de Highgate. Ne voulant pas prendre la peine de monter toute la colline pour de descendre la route étroite qui mène au cimetière, je traverse plutôt le petit parc et, comme je l’espérais, des trouées dans sa muraille permettent, en se glissant par une déchirure du grillage, de se glisser directement au milieu du fouillis des tombes. Je débouche sur une allée principale juste à côté du visage géant de Karl Marx. Pour le reste, je mitraille les pierres tombales de guingois et les anges efrités, cela fera toujours quelques clichés bien gothiques pour le Dracula de la BR. Redescente vers Archway, bus vers Piccadily: le comte a logé au début de l’avenue, il avait un appartement dans l’élégante Eon House.


Direction l’East End: Spitafields Market a été transformé en lieu chic et branché pour shopping bobo, sur Petticoat Lane les bougies parfumées et les cousins en soie ont remplacé le bric-à-brac über misérable du plus pauvre des marchés au puce de Londres. Une muraille de verre domine le tout, de même qu’une nouvelle voûte architecturée ultra contemporaine. Le tout, sur le bord d’un quartier de pauvres Indiens — Brick Lane est toujours une zone cosmopolite et louche, usée et misérable. D’un trottoir à l’autre, c’est au choix olfactif le patchouli des bobos ou le curry des émigrés. Non loin de là, le carrefour de Whitechapel est lui aussi toujours dans le même état de décrépitude. La hype et l’argent neuf gagnent l’East End, mais encore seulement par poches isolées. Le verre étincelant et la brique rutilante des nouveaux aménagements opèrent en contrastes stupéfiants avec les taudis et ruelles d’une population basanée. Dans Quicksand, un panneau donne le nom de la rue en alphabet indien. J’y trouve un petit groupe d’immeubles anciens: Dracula aurait aussi logé là. Une usine aux fenêtres brisées, quelques inscriptions industrielles à demi effacées, un porche sombre: il ne reste pas grand-chose de l’époque de Jack. Le pub « Ten Bells » n’a pas (encore) changé, lui. Sous son enseigne délavée passèrent sans doute certaines des victimes de l’Éventreur.


Fin de journée: l’ancienne adresse du club de Bram Stoker, derrière la National Gallery. Sous la colonne Nelson et jusque sur les marches du grand musée, s’aglutine une foule monstre, compacte, au pied de rockeurs russes à la musique tristement ordinaire, des banalités rock dont seule la langue n’est pas dans le moule commercial mondial. C’est le nouvel an russe. Quand nous remonterons vers Covent Garden, les flonflons de l’hymne russe nous accompagneront.

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