#1749

Au fait, j’ai lu Les Fils de l’air de Johan Heliot. C’est dans « Ukronies », chez Flammarion, comme le Mauméjean brièvement évoqué l’autre jour (La Reine des lumières). Je vais sans doute lire tous les volumes de la collection, pour le travail que je prépare avec Bellagamba au sujet des uchronies. Celle-ci part du postulat d’une fuite en ballon de Louis XVI et de sa famille, lors de la Révolution. Installé aux Etats-Unis que son ami la Fayette avait aidé à devenir indépendants, ce bon Louis devient ingénieur et entrepreneur, et bâtit une grande compagnie de dirigeables… Très steampunk, ça, les dirigeables. Icône majeure du genre. Pour le reste, il s’agit d’un excellent roman d’aventure, ça avance vite, et comme souvent chez Heliot, cela s’étend sur une période de temps assez longue — presque trop longue, rien n’est développé, j’aurais aimé que quantités de choses le soit. En même temps, un roman court, c’est plaisant, ça repose des pavés monstrueux que les littératures de genre version « pour adultes » nous infligent depuis l’invention du traitement de texte.

Autant chez Mauméjean-le-sec j’avais été parfois, sinon choqué, du moins un peu bousculé par un excès de violence, autant ici chez Heliot-le-doux l’on reste dans de la jeunesse classique, et puis en rêveur comme d’habitude l’auteur nous abandonne au moment où — non pas une, mais deux utopies s’ouvrent sur le continent américain. Ces deux auteurs ont souvent écrit ensemble — cinq romans, je crois — et les comparer est toujours intéressant. En fait, dans les deux cas ils demeurent fidèles à eux-mêmes, sans de concessions criantes au domaine « jeunesse ». Si ce n’est qu’on ne s’arrête pas pour réfléchir: leurs intrigues progressent vite. Peu d’enjeux, au bout du compte, bien sûr, mais le tout est agréable, vite lu, pas bête pour un sou. Je me demande juste ce que les ados peuvent appréhender au juste des distorsions historiques pratiquées: ont-ils bien les connaissances nécessaires? Mais en fait, peu importe: le lecteur adulte trouvera plus encore de résonances dans ces deux romans que le lecteur enfant, voilà tout. Si ce n’est, aussi, que je m’interroge chez Mauméjean sur l’absence complète d’évocation de l’homosexualité d’Alexandre. Et chez Heliot sur l’enthousiasme avec lequel il nous dépeint une sympathique et très paternaliste multinationale. Mais l’exercice « jeunesse » oblige a des raccourcis que ces mêmes auteurs ne prendraient pas en « adulte ». Sans doute en m’interrogeant ainsi essayai-je de trop trouver dans des romans simples, directs, de divertissement. Ils jouent avec des archétypes de l’imaginaire, pas avec des idéologies.

#1748

La chute du mur, je m’en souviens… C’était un soir, sur une chaîne française de télévision et une journaliste alors célèbre, Christine Ockrent, débitait des lieux communs au milieu d’une foule en liesse, une foule de citoyens de la RDA — et elle portait un somptueux manteau de fourrure, digne d’un star. Je l’avais alors trouvée d’une indécence injurieuse, à exhiber ainsi sa richesse… Pour moi, l’acte de cette journaliste ne symbolisa pas une victoire de la liberté, mais celle du gros fric vulgaire. À sa manière, elle annonçait le règne à venir des mafias de l’est.

#1747

Allez faire des courses ce matin. Il fait délicieusement gris et pleuvotant, quel bonheur après cette saleté d’été écrasant atroce. J’avais mon beau parapluie de chez Smith & Son. Ça m’a donné la pêche, ce temps. Je suis sérieux. I dream of London. And of New York, too.

« Ah! La poésie de l’automne!
La nature a revêtu son costume de tweed orange
Et sa casquette aux reflets d’or,
Les feuilles mortes tournoient
Joyeuses, dans le vent qui soupire comme un mirliton romantique,
Et puis viennent craquer sous les pas du flâneur solitaire
Qui se souvient des jours anciens où il était en vacances…

Automne et tes brouillards…
Saisons des inquiétudes et des grandes questions… »

Sibylline et le Kulgude, Raymond Macherot (by way of DDT)