#1752

Trop fort, ce nouvel imprimeur: reçu ce matin les stocks de Regarde le soleil de James Patrick Kelly — avec 4 jours d’avance. Première fois que ça arrive, je crois. Couverture par notre ami espagnol Antonio Seijas, qui avait déjà fait celle du huitième Fiction. Si je ne me trompe pas dans mes comptes, ce doit être le quatre-vingt-huitième titre des Moutons électriques. Déjà le douzième volume de la Bibliothèque voltaïque. Et le premier à arriver un vendredi 13 !

#1750

Vu un vieux film anglais absolument épatant (pour utiliser un qualificatif lui-même vieillot): Hue and Cry, la toute première des Ealing Comedies, sortie en 1946. Entièrement tournée en décors naturels, elle constitue un témoignage rien moins que fascinant sur le Londres en ruine après le Blitz, en plus d’être un polar jeunesse tout à fait astucieux et rigolo. Et puis ce noir et blanc, que c’est beau!

Vu aussi un formidable téléfilm anglais, In the Red, écrit par Malcom Bradbury et avec Stephen Fry dans un des rôles. Il s’agit d’une comédie grinçante, entre polar et satire politique, sur une série d’assassinats de banquiers (voilà qui reflète des sentiments toujours d’actualité) et de politiciens, des magouilles d’un parti opportuniste de centre, du complot de deux contrôleurs de la BBC pour éliminer leur directeur général, des querelles internes à la BBC Radio… le tout produit par la BBC, bien entendu! Chère vieille Beeb, c’est la classe. Un téléfilm très drôle, au mauvais esprit délicieux.

#1749

Au fait, j’ai lu Les Fils de l’air de Johan Heliot. C’est dans « Ukronies », chez Flammarion, comme le Mauméjean brièvement évoqué l’autre jour (La Reine des lumières). Je vais sans doute lire tous les volumes de la collection, pour le travail que je prépare avec Bellagamba au sujet des uchronies. Celle-ci part du postulat d’une fuite en ballon de Louis XVI et de sa famille, lors de la Révolution. Installé aux Etats-Unis que son ami la Fayette avait aidé à devenir indépendants, ce bon Louis devient ingénieur et entrepreneur, et bâtit une grande compagnie de dirigeables… Très steampunk, ça, les dirigeables. Icône majeure du genre. Pour le reste, il s’agit d’un excellent roman d’aventure, ça avance vite, et comme souvent chez Heliot, cela s’étend sur une période de temps assez longue — presque trop longue, rien n’est développé, j’aurais aimé que quantités de choses le soit. En même temps, un roman court, c’est plaisant, ça repose des pavés monstrueux que les littératures de genre version « pour adultes » nous infligent depuis l’invention du traitement de texte.

Autant chez Mauméjean-le-sec j’avais été parfois, sinon choqué, du moins un peu bousculé par un excès de violence, autant ici chez Heliot-le-doux l’on reste dans de la jeunesse classique, et puis en rêveur comme d’habitude l’auteur nous abandonne au moment où — non pas une, mais deux utopies s’ouvrent sur le continent américain. Ces deux auteurs ont souvent écrit ensemble — cinq romans, je crois — et les comparer est toujours intéressant. En fait, dans les deux cas ils demeurent fidèles à eux-mêmes, sans de concessions criantes au domaine « jeunesse ». Si ce n’est qu’on ne s’arrête pas pour réfléchir: leurs intrigues progressent vite. Peu d’enjeux, au bout du compte, bien sûr, mais le tout est agréable, vite lu, pas bête pour un sou. Je me demande juste ce que les ados peuvent appréhender au juste des distorsions historiques pratiquées: ont-ils bien les connaissances nécessaires? Mais en fait, peu importe: le lecteur adulte trouvera plus encore de résonances dans ces deux romans que le lecteur enfant, voilà tout. Si ce n’est, aussi, que je m’interroge chez Mauméjean sur l’absence complète d’évocation de l’homosexualité d’Alexandre. Et chez Heliot sur l’enthousiasme avec lequel il nous dépeint une sympathique et très paternaliste multinationale. Mais l’exercice « jeunesse » oblige a des raccourcis que ces mêmes auteurs ne prendraient pas en « adulte ». Sans doute en m’interrogeant ainsi essayai-je de trop trouver dans des romans simples, directs, de divertissement. Ils jouent avec des archétypes de l’imaginaire, pas avec des idéologies.

#1748

La chute du mur, je m’en souviens… C’était un soir, sur une chaîne française de télévision et une journaliste alors célèbre, Christine Ockrent, débitait des lieux communs au milieu d’une foule en liesse, une foule de citoyens de la RDA — et elle portait un somptueux manteau de fourrure, digne d’un star. Je l’avais alors trouvée d’une indécence injurieuse, à exhiber ainsi sa richesse… Pour moi, l’acte de cette journaliste ne symbolisa pas une victoire de la liberté, mais celle du gros fric vulgaire. À sa manière, elle annonçait le règne à venir des mafias de l’est.