#1703

Ouvrant l’interface de Blogger en vue de rédiger cette entrée, je découvre qu’il s’agira de la 1700ème de ce blogue — fichtre, quel bavard je fais. (fit-il avec un rire satisfait)

En rentrant de chez mes parents, fin août, j’avais prévu de faire, comme j’en ai l’usage régulièrement, une petite liste de mes lectures récentes. Mais la quotidienneté affairée m’a aussitôt remis le grappin dessus, j’ai bouclé des ouvrages des Moutons (le BR Jane Austen d’Isa, qui est actuellement chez l’imprimeur, les corrections de la rééd de Gagner la guerre, qui arrive la semaine prochaine, le BR Harry Potter, dont j’entre tout à l’heure la première volée de corrections, tout ça tout ça), me suis plongé dans les opérations du bilan comptable, enfin bref : j’ai procrastiné cette tâche… Et pourtant, j’aime bien établir ainsi, de temps en temps, ces jalons de mes lectures. Cela m’est utile pour trouver des repères, certaines fois, et pour effectuer des bilans mentaux… Mais qu’ai-je lu, au juste, durant ce trop chaud été ? (aujourd’hui il pleut et il fait gris, quel bonheur)

Voyons voir, je me souviens de Henry Green : un écrivain britannique des années 1930 à 50, célébré comme un maître exigeant du style et un narrateur de l’indécision, des fausses pistes, des personnages attachants dans leur singulier réalisme… Living, donc, tranche de vie d’une grande maison en Irlande à l’orée de la Deuxième Guerre mondiale — below stairs, comme l’on dit. Et Party Going, comédie dissonante d’un groupe de jeunes snobs bloqués dans une gare obscure.

Alexander McCall Smith : je reviens de temps en temps à sa saga du 44 Scotland Street, fresque débutée ouvertement sous les auspices des Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin (mêmes procédés de construction), mais située à Édimbourg aujourd’hui. Le ton est forcément très différent de l’oeuvre de Maupin, puisque tant l’époque que la culture mises en scène sont différentes. J’apprécie également (à part égale, veux-je dire) l’humour pince sans rire de McCall Smith et sa tendresse, son coup d’oeil affûté et sa tranquille philosophie. Contrairement à beaucoup d’humoristes, je pense par exemple à Terry Pratchett et à Bill Bryson, cet auteur n’a rien de réactionnaire ni de jugemental, il est contemplatif, souvent teinté d’un peu de mélancolie: il y aurait-il une saudade de l’âme écossaise? Qui est plus visible encore dans son cycle d’Isabelle Dalhousie, dont j’ai également lu The Comforts of a Muddy Saturday.

Bien qu’il soit captivant et superbe, j’ai encore une fois abandonné Perdido Street Station de China Mieville : je ne me sentais pas du tout de me plonger dans une lecture à l’aussi long cours. D’ailleurs, pour la première fois depuis très longtemps, j’ai entamé cet été des lectures exclusivement « pour le plaisir », c’est-à-dire sans rapport direct avec des travaux d’écriture ou de recherche… Ce qui m’a conduit à me détourner provisoirement des littératures de l’imaginaire — un comble peut-être pour un directeur littéraire d’icelles, mais afin d’alimenter la machine à cogiter, il ne faut pas rester bloqué sur un seul domaine. J’ai tout de même essayé de lire The Time Traveler’s Wife d’Audrey Niffenegger, mais ce roman en son temps fort célébré m’est tombé des mains : trop sucré, trop gentillet, c’est la version eau-de-rose du voyage temporel. J’ai en revanche fini de lire The Loom of Youth d’Alec Waugh, témoignage (par le frère cadet d’Evelyn Waugh) sur la vie quotidienne dans une école anglaise, qu’il écrivit et publia à l’âge de 19 ans. Cela fit scandale car il n’y cachait rien, ni de la désorganisation inhérente au système, ni de l’immoralité des gamins, ni même de leurs frasques (homo) sexuelles. En 1917, imaginez ! Littérairement c’est assez rudimentaire (d’une totale linéarité), mais plein de moments brillants et de situations intéressantes. Ah, et puis pour rester dans l’anglais, j’ai lu What a Carve Up de Jonathan Coe — une très féroce comédie anti-thatchériste (donc toujours d’actualité en notre ère de néo-conservatisme et de démocratisme mou), qui débute comme du Wodehouse et va en se déconstruisant, en se retournant et en ricanant, c’est magistral.

Dans l’étouffement atroce de cet été, j’avais besoin de trouver des respirations, y compris au niveau de mes lectures… C’est dans une revue universitaire lyonnaise consacrée au paysage que j’avais découvert des références à un poète non moins lyonnais, Hubert Voignier. J’ai lu Les Hautes herbes, datant de 2004, et enfin déniché là une voix comparable à celle de Jacques Réda, quoique sur la campagne et non sur la ville. L’espèce d’abandon attentif qu’il faut pratiquer pour la lecture de la poésie (en prose, je ne l’aime vraiment qu’ainsi) m’a fait l’effet de cette respiration que je recherchais.

Et puis, j’ai dévoré des essais… À commencer par Forces in Modern British Litterature de William York Tindall, que je n’ai découvert que parce que Sébastien Hayez me montrait des exemples de couvertures du designer Paul Rand. Attiré par le titre de cet ouvrage américain de 1956, je le commandai… et ce fut un délice : brossant un panorama des lettres anglaises et irlandaises de 1885 à 1956, ce chercheur fait le portrait le plus complet et séduisant que j’ai jamais lu de ce domaine qui m’intéresse fortement. Et ce avec un art de la formule lapidaire qui en dit long, des références critiques croisées, des remises en contexte, des résumés à peine effleurés… Tout ce que j’admire dans la critique littéraire et l’histoire de l’art ! Roman, théâtre et poésie : en dehors d’une visible obsession pour Joyce et Yeats, ce travail panoramique m’a semblé remarquable — et j’y ai trouvé des éléments qui auraient été bien utiles pour compléter ce qu’avec Raphaël Colson j’ai tenté de faire moi-même, dans ce chantier vaste et dense que fut notre essai publié chez Mnémos. Il y a là des considérations sur l’impact de Darwin et de Freud, et sur les Géorgiens, qui seraient bien tombées. Mais on n’en fini pas d’apprendre.

Outre les essais sur la BD déjà évoqués dans une autre entrée, j’ai aussi picoré dans Watching the English de Kate Fox, travail d’ethnologie sur le citoyen britannique et sa culture ; et dans Littérature monstre de Pierre Jourdan (chez L’esprit des péninsules) ; et j’ai en cours Pink Floyd, plongée dans l’oeuvre d’un groupe paradoxal du camarade Aymeric Leroy (chez Le mot et le reste). Mais je dois en oublier… J’ai encore lu bien d’autres bouquins, je crois, depuis juin… Las : ma mémoire est médiocre, et c’est bien contre cette érosion que me servent ces notes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *