#2011

Vu hier soir Le Château des cœurs de Flaubert, sa pièce quasiment jamais jouée. C’est à l’ENS Lyon, pour trois soirs, et c’est incroyablement gonflé, mégalo, drôle et décalé. Texte injouable tellement il est long, impossible à mettre en scène tellement ses didascalies proposent d’éléments irréalistes, il s’agit d’une « féerie », genre en vogue lorsque Flaubert s’en enticha et décida d’en écrire une. Le tout sonnait hier soir un peu comme du Flaubert monté par les Robin des Bois, maladresses voulues et maladresses inopinée pareillement assumées, le tout plein d’imagination, de trouvailles astucieuses, et d’ambitions étonnantes (les chants, la musique…). Et puis, avec de vrais passages flaubertiens comme on les aime: des râleries et des railleries de ce cher Gustave, impertinent, anti-conformiste, de nos jours on dirait « non politiquement correct ». Je redoutais de m’ennuyer et me suis en définitive bien amusé.

Les Moutons électriques envisageaient fut un temps d’en publier une édition commentée ; notre cher Patrice avait même essayé de nous persuader de le faire mettre en scène. Voir donc Le Château des cœurs en vrai fut une réelle joie.

#2010

« Tous les jours sont ici des dimanches ; sur le retour, on n’a croisé d’âme qui vive que l’une des profuses vieilles dames du clan des nantis, elle tient en laisse un chien anecdotique, lequel nostalgiquement défèque un bref étron ovale comme un mégot de cigare — on s’étonne qu’il ne soit pas bagué. » (Pierre Marcelle, Articles de Paris)

#2009

Je ne saurai en donner le nom, n’étant pas parvenu à le lire sur les plaques bleu émail de la gare, au passage de mon train pour la Savoie. Sur le bout de quai en face, un jeune couple poireaute en riant. Ils sont peut-être heureux de quitter ce lieu: une petite ville coincée dans une crevasse. Tout ses immeubles sont de grande taille, il n’y a guère de terrain donc ils ont poussé en hauteur, comme s’il y avait tant de monde pour s’entasser là. Même le gris clocher semble plus aigu qu’ordinaire. Et bien que le ciel soit bleu, la température clémente, oh que tout cela parait triste, transi de froid. Pas un bâtiment qui ne soit vieux, usé, rapiècé: l’architecte de cet endroit semble être Foester. Ce n’est pas une ville, c’est un cadavre de ville, tombée pour ne plus se relever. De vieux ossements urbains dans un recoin de montagne.

#2008

Voyage express en Normandie. Fort heureusement il y a un TGV direct pour Le Havre. Juste avant Massy un convoi de chars, immobile dans le jour déclinant, d’une blancheur de vieil os. Journée chargée mais exaltante: matin à Étretat, enfin voir l’Aiguille creuse d’Arsène Lupin de mes propres yeux ; bref escale à Bénouville, village près duquel vivait Clarisse d’Étigues, la première épouse du gentleman-cambrioleur ; puis déjeuner et promenade à Fécamp, avant de regagner Le Havre — après la beauté naturelle des falaises d’Étretat, c’est là un choc esthétique d’un tout autre ordre, celui de l’architecture humaine en majesté. Austérité rectiligne de la ville conçue par Auguste Perret, avec laquelle contraste la douce rondeur du double bâtiment conçu par Oscar Niemeyer, et enfin l’éblouissement de l’église St-Joseph, aussi martiale à l’extérieure (j’ai cru voir à son sommet le globe du Daily Planet…) qu’elle est incroyablement légère et lumineuse à l’intérieur. Fortes émotions esthétiques, vraiment.

#2007

Écrit un chapitre sur Atget, Fargue et Carco. Ajouté un chapitre (par Olivier Bailly) sur Yonnet, Giraud et Clébert. Le chantier « psychogéographie » progresse à grands pas. Nous sommes bien loin de la SF, me direz-vous? Faux: Patrick Marcel va parler de Notre-Dame des Ténèbres de Leiber, roman psychogéographique s’il en fut ; et moi de quelques petits chefs-d’oeuvre californiens non traduits. Sous les pavés, la science-fiction. Sinon, je pars ce soir au Havre, pour un bref passage en cette ville et à Étretat (documentation Lupin oblige).