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Arsène Lupin, une vie – work in progress.

(…) Arsène Lupin approche alors de la cinquantaine. Sa taille mince, son pas élastique dénotent qu’il est en pleine forme physique. Toujours obsédé par la peur de vieillir, notre Lupin, en victime typique du syndrome de Peter Pan, prétend même que, vu de dos ou de loin, il est en « droit de protester contre toute évaluation qui lui eût attribué plus de vingt-cinq ans. […] et encore, que d’adolescents pourraient me porter envie ! » Le diable d’homme mène encore et toujours plusieurs existences de front, sous de « simples et modestes noms de bonne petite noblesse de province, que reliait les uns aux autres ce même prénom de Raoul. » Il est donc Raoul de Limézy, d’Avenac, d’Enneris ou d’Averny. La vie mondaine a changé, les temps ont changés : la grande époque de Lupin, c’était avant-guerre. Se sent-il un peu dépassé ? Maurice Leblanc, lui, s’est retiré modestement, à Étretat. Paris a beaucoup changé. On ne donne plus de ces grands bals extravagants du temps de Boni de Castellane et de Pierre Loti, on se montre plutôt au théâtre, à l’opéra, et surtout l’on va dans les grands restaurants.
Il y a encore quelques salons mondains, les derniers, mais ce ne sont plus ceux que Lupin connaissait si bien autrefois. L’un de ces salons est celui de Mme du Retail, au 2 de la rue Vineuse, dans le 16ème arrondissement. Lucie Dalloux, épouse Boutilier du Retail (1886-1968), reçoit en compagnie de son mari Armand de nombreuses personnalités des arts et lettres : citons Maurice Constantin-Weyer, Gérard-Gailly, Maurice Bedel, Claude Aveline, l’acteur Henri Crémieux, et puis, c’est là que nous rejoignons notre sujet lupinesque, le dramaturge Francis de Croisset. Lupin le croisa-t-il, fréquenta-t-il le salon de la rue Vineuse ? Depuis la mort de Gaston Arman de Caillavet, Francis de Croisset est entré en partenariat littéraire avec Robert de Flers, ces trois noms représentent la fine fleur du Boulevard. Francis de Croisset ne tient pas en place, il ne cesse de voyager à travers le monde. Cependant que son étoile pâlit peu à peu, celles d’autres mondains à la vanité non moins éclatante va la remplacer : Sacha Guitry et Jean Cocteau.
À l’instar de Lupin, Francis de Croisset aussi représente en quelque sorte un monde qui est en train de s’achever : Marcel Proust s’éteint le 18 novembre 1922, alors que À la recherche du temps perdu n’est pas fini de publier ; la nuit de sa mort, il a été veillé par ses amis : Reynaldo Hahn, Paul Morand, Gaston Gallimard et quelques autres. On fait venir le peintre Dunoyer de Segonzac, qui s’installe dans un coin et dessine à l’encre de chine le portrait de l’écrivain sur son lit de mort. « La famille, les relations, tout le monde défile et reçoit devant le lit de l’écrivain. La chambre mortuaire est un salon, à l’image de sa vie. » Jean Cocteau arrive, il parle avec Gallimard de son prochain livre, Thomas l’imposteur, que l’éditeur retient aussitôt : très symbolique passation d’époque.
Ernest W. Hornung, l’agent littéraire de Raffles, décède à Saint-Jean-de-Luz le 22 mars 1921 ; Sarah Bernhardt disparaît le 26 mars 1923 ; Aristide Bruant le 11 février 1925 ; Gaston Leroux, l’agent littéraire de Rouletabille, meurt à Nice le 15 avril 1927 ; et Robert de Flers à Vittel le 30 juillet 1927. Avec toutes ces personnalités, ce sont les derniers feux de la Belle Époque qui s’éteignent. (…)