#2218

Londres encore et toujours (5)

Il s’agissait d’évidence d’une vaine quête, mais je me demandais si le Columbia Square, un ensemble de logements sociaux mi-victoriens, existait encore. Un spécialiste des années 1970 l’avait décrit comme un chef-d’œuvre en péril du plus pur style gothique… Alors puisque mes camarades noceurs n’avaient pas l’intention de se lever tôt après une supposée soirée goth, je partis direction East End, quartier de Bethnal Green, en prenant le métro jusqu’à la station Old Street (qui elle-même se trouve dans le quartier de St Luke, l’East End étant un dédale de petits quartiers imbriqués les uns dans les autres). Bien entendu, point d’Olympia Square, remplacé de longue date par d’affreux petits immeubles type HLM, à l’exception d’une seule barre d’immeubles victoriens, étrangement corsetés par l’arrière par des escaliers et ascenceurs modernes. Au temps pour le chef-d’oeuvre gothique, mais cette promenade m’a permis de retrouver Arnold Circus. J’étais passé par là il y a longtemps, en gardais un souvenir étonné et ravi, mais sans plus du tout savoir le nom de cette place ronde ni sa situation (à la frontière d’un autre quartier, Shoreditch, en l’occurrence). Je viens de chercher quelques infos: c’est en 1890 que cet ensemble de beaux immeubles en brique d’un rouge pétant fut érigé, ce qui en fait l’un des tous premiers ensembles de logements sociaux.Un ensemble qui remplaçait l’un des bidonvilles de l’East End, le Friars Mount ou Old Nichol rookerie (une rookerie était le nom que l’on donnait aux bidonvilles). On rasa donc, et les décombres furent entassés au centre des nouveaux bâtiments, pour former une mini-colline couronnée d’un kiosque à musique. Le tout forme un groupe architectural vraiment pas banal, que je me souviens très vaguement avoir déjà vu un jour — au cours de quelle promenade? Chose amusante, sur le tronc d’un des arbres surplombant le kiosque à musique, quelqu’un a cloué un buste de Karl Marx.

J’allais regagner le métro quand un SMS de Simon me pria de les laisser dormir encore un peu… Ah là là! Je bifurquai donc vers Hoxton Square, où lors de mon précédent séjour, en décembre de l’an dernier, Olivier et moi avions arrêtés nos pas. Et assurément le reste du quartier ne vaut pas la peine d’être vu, mais je le traversai afin de rejoindre le canal, et je rentrai tranquillement, lentement, le long de l’eau, sur un trajet que je connais peu et où les quelques nouveaux aménagements ne me heurtent pas comme ceux annoncés pour le segment au-delà d’Angel. Sous le soleil léger, de retour, je croisai nombre de promeneurs, d’encore plus nombreux joggueurs (je me demande combien tombent dans le canal, chaque année, par maladresse ou pour avoir heurté un piéton?) et quelques vélocipédistes. Tiens, à propos de ces derniers, Londres connaît désormais l’équivalent des Vélov ou Vélib, ce qui a eu pour effet secondaire de donner naissance à une dense floraison de panonceaux d’orientation, alors qu’il n’y avait quasiment jamais de plans dans les rues de la métropole. Aujourd’hui, on peut presque se passer d’avoir l’une de ses poches déformée par le poids d’un guide AZ.

L’après-midi, je retournai avec les deux aventuriers dans les lointaines et hautes terres d’Hampstead, pour tenter de voir l’urne funéraire de Bram Stoker, au crématorium de Golders Green. Las, les chapelles anciennes étaient closes. Tout ce que nous trouvâmes, au hasard, ce furent les plaques mortuaires de Keith Moon et de Marc Bolan, ce qui n’est guère vampirique. Je ressentais une immense lassitude lorsqu’un pub se dressa fort opportunément au bord de la petite route, ce fut l’occasion d’une dernière pause ensemble avant de redescendre à Londres. Je repars demain, pense auparavant aller re-visiter le Museum of London dans la matinée, puisqu’il a été complètement été refait il y a un an ou deux. Grosse fatigue mais, as usual, douce satisfaction d’un beau séjour. J’ai guidé Simon et Gwenn comme ils le voulaient, été vérifier des détails de mes promenades commentées lors de moments de liberté, missions accomplies.

PS: accessoirement, ceci est mon 2222ème billet ; c’est ce que l’on appelle avoir de la suite dans les idées.