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Il n’arrive pas si souvent que l’on se plonge dans un auteur majeur que l’on n’avait pas encore lu ; il arrive encore moins souvent que l’on lise un pur chef-d’oeuvre, un roman d’une beauté et d’une puissance admirables. Cela m’arrive en ce moment, avec The Tiger in the Smoke de Margery Allingham. J’avais déjà un peu lu Allingham, je savais donc qu’il s’agissait d’une autrice majeure de l’âge d’or du polar anglais — Hide my Eyes m’avait renversé, deux autres m’avaient semblé fort plaisants. Cette fois je me suis donc décidé, pour m’entretenir dans l’ambiance adéquate à la rédaction de Hercule Poirot, une vie (et en parallèle de relectures ponctuelles d’Agatha Christie, bien sûr, piochant ici ou là une nouvelle ou un passage de roman que j’ai envie de relire), à lire tout Allingham, après avoir lu tout Dorothy L. Sayers et relu une partie des Nicholas Blake — trois auteurs assez exceptionnels dans leur genre. Et puis j’arrive au Tiger in the Smoke, le plus réputé des romans de Margery Allingham, et suis renversé, enthousiasmé, captivé. Le Londres années 1950 s’y dresse au sein du brouillard, chaque chapitre, chaque ligne est admirable d’intelligence, de beauté, de bonté, de vibration, d’ambiance… Admirable, absolument admirable.

The fog was like a saffron blanket soaked in ice-water. It had hung over London all day and at last was beginning to descend. The sky was yellow as a duster and the rest was a granular black, overprinted in grey and lightened by occasional slivers of bright fish colour as a policeman turned in his wet cape. Already the traffic was at an irritable crawl. By dusk it would be stationary. To the west the Park dripped wretchedly and to the north the great railway terminus slammed and banged and exploded hollowly about its affairs. Between lay winding miles of butter-coloured stucco in every conceivable state of repair.

Et lire sur le Guardian un très beau et long papier d’analyse sur Allingham, très pertinent. En prime, c’est par Jane Stevenson, qui a elle-même écrit l’un des plus attachants romans policiers sur Londres que j’ai lu ces dernières années, London Bridges — datant de 2001, je l’ai déjà lu trois fois, c’est dire.