Fini de traduire Psychogeography. Reste des ajouts à effectuer, dont un dernier chapitre parisien. Reste le ballet des retouches et des vérifications. Mais le gros du chantier est évacué, soulagement. Suis sorti pour fêter cela, faire quelques courses dans mon supermarché levantin favori. Je vois s’allonger les ombres, très nettes, découpées au rasoir du soleil bas sous le ciel d’un bleu fragile, bousculé de nuages. Une menace de pluie ourle de grisaille le bord de ces derniers, avec pour seul effet la fraîcheur du fond de l’air, « comme on dit ». Il doit être d’un bleu profond, outre-marine, ce fond de l’air. Afin que la lumière éblouisse mieux, à cette saison. Le quotidien ordinaire et toute propre, nettoyé par un soleil encore hivernal malgré sa douceur, se trouble soudain: deux événements entrent en collision avec le réel. D’une part une camionnette aux couleurs fanées, qui dans la rue crache les flonflons étouffés d’une musique de cirque, Pinder est là qui passe, enroué. D’autre part un jeune homme torse nu, qui fonce sur le trottoir dans le roulroulroul de son skateboard, poitrine large et bronzée, sur laquelle se détachent les auréoles pâles de ses seins. Je rentre, la lumière coule à flot dans le salon, j’ouvre la fenêtre — frisson soudain, une grande ombre: à bout de flèche de grue, la bétonnière intercepte le soleil avec ses flancs rebondis. Elle glisse latéralement, je suis de nouveau ébloui, cligne des yeux pour remettre le monde en ordre.