J’ai téléchargé mes photos dans mon ordi. Well, well... même avec l’aide du fidèle toshop, elles ne seront jamais très regardables par d’autres que moi, simples aide-mémoire qui me réchauffent déjà le cœur. Inutile donc que je me fatigue à vous les infliger. Seule celle-ci (prise sur le bord de la Lee Navigation) est regardable, me semble-t-il. Peu importe: je n’avais qu’un iPhone et puis les photos ne sont pas le but de cette page, consacrée aux mots, à l’écrit, n’est-ce pas?
Archives de catégorie : journal
#2324
Back home, après avoir terminé ces vacances par un week-end nordiste en compagnie de mon vieil ami Philippe et de sa famille. Encore un peu de boulot pour me remettre à jour des correspondances etc. mais j’y suis presque. Rangement, lessives, ménage, poste, courses, les classiques d’un retour de vacances. Passé la journée un peu dans le coton, c’est classique également: le prix à payer pour mes absences, c’est que lorsque je reviens, mes trois bestioles réclament tant et tant de câlins qu’elles ronronnent toute la nuit, se pressent à mes côtés, m’empêchent de dormir correctement. C’est meugnon, ces petits félins…
#2323
Eh bien, le vilain smog jaune et gras d’antan n’existe peut-être plus, mais tout de même: joli brouillard blanc sur Londres, ce matin.
#2322
Dernier de mes neufs jours à Londres, direction no man’s lands… Je m’étais dit que j’allais réaliser un vieux rêve, à savoir me rendre du côté des immenses anciens docks. Consultant la fin du guide « Capital Ring », j’avais donc opté pour prendre une promenade en cours de route, à partir de la station West Ham. Well… ça ne s’est pas avéré très passionnant: le parcours emprunte alors, sur une distance considérable, la ligne droite de ce qui ne peut qu’être une ancienne voie de chemin de fer. Un large chemin asphalté au milieu, une pelouse de chaque côté, le tout généralement sur un talus très au-dessus des maisons. Curieux, incongru même, mais lassant. Et dessous, les alignements sans fin de petites maisons de l’East End. Ah, enfin: on quitte cette Greenway et l’on descend dans un petit parc boisé, le Beckton District Park. Outre les joggeurs et les sempiternels écureuils, on y observe parfois quelques animaux inattendus, dans ces parcs: hier un petit troupeau de vaches, dans Syon Park, et là un beau et grand cheval brun, se tenant dans une prairie que domine une tour électrique. Sous celle-ci, on entend distinctement les craquements de l’électricité. Weird, in a steampunk kind of way.
Ensuite, nouvelle ligne droite ruralisée, autre ancienne voie ferrée, New Beckton Park, pis les choses deviennent enfin intéressantes: on traverse de part en part la gare de DLR (le métro aérien) de Cyprus, toute neuve, pour aboutir dans la nouvelle université, sur les bords du Royall Albert Dock. Et cette fois encore la surdimension de tout cela me saisit — ce bassin, incroyablement immense, si long qu’on n’en distingue pas l’extrémité, et en face les pistes d’atterrissage d’un aéroport… La vastitude de Londres, l’infinité de ses espaces encore à (re) conquérir, le bleu de l’eau, le bleu du ciel… Le souffle me manque…
Après la blancheur des bâtiments de l’université proprement dite, s’alignent l long du quai des résidences étudiantes au look de maison schtroumpf high-tech, puis d’autres plus simplement dans le style moderniste revival. Et ensuite… plus rien, ou presque: quelques grosses entreprises, et les corbeaux qui tournent au-dessus de marais, de friches, de terrains vagues à perte de vue. Londres est en devenir, ici, c’est le bout du monde, en tout cas le bout de la ville actuellement. En face, la nouvelle ville de Thameshead continue son extension. On prédit qu’un jour Londres rejoindra la mer ; déjà, la violence des vagues qui s’écrasent sur la rives herbeuse paraît bien maritime.
La promenade hésite, se glisse comme par contre-bande le long de parapets en béton, le guide dit plusieurs fois que telle ou telle extension est souhaitée, prévue, un jour peut-être. Une écluse, une autre. Ce sont les confins, des espaces encore abandonnés où le vent souffle et les mouettes crient. Il est ahurissant de songer qu’autrefois, ces immensités se couvraient d’entrepôts, tandis que les navires se massaient sur la longue eau. Vide immense, l’horizon réduit à une mince bande grise écrasée entre le ciel et le bassin. Sur le bas côté, une tourelle en brique usée ne tient plus debout que par les bandages en bois et ferraille qui l’enserrent: l’entrée du passage souterrain pour traverser la Tamise. Sur l’eau se dresse un portail blanc et géant, terminal du ferry. Je pense à une construction à la Spin. La voix enregistrée d’une hôtesse résonne sur les vagues grises. Je préfère plonger sous le sol, descendre les marches en bois. Plusieurs fois, dans le temps, j’avais franchit le tunnel piéton de Greenwich. Celui de Woolwich, largeur du fleuve oblige, semble ne plus finir: marche macabre dans ce tube de carrelage jaunâtre, et loin devant moi une dame fredonne une chanson, aux accents de cantique dans ces échos. Datant de 1912, ce tunnel piéton fait 495 mètres de longueur. Plus 126 marches d’un côté et 101 de l’autre. Ouch. Content de revoir le jour — je décide de prolonger la balade en poussant jusqu’à la Thames Barrier, que je vois au loin, série de ruches argentées ponctuant le fleuve devant un horizon de gratte-ciel. Mais il fait un peu froid, j’ai les reins douloureux, la plante des pieds en feu: subitement, je décide d’arrêter. C’est assez, les alentours ne sont pas assez intéressants et si je veux bien me casser les pieds littéralement, je refuse de le faire métaphoriquement. Tournant talons et bifurquant sur la droite, je monte dans le centre de Woolwich, c’est tellement plus intéressant, une vraie petite ville anglaise. Je mange un petit fish and ship, puis achète plus haut un grand chai tea latte et un gâteau, dans un Starbucks aux serveuses sympas comme tout. La station de DLR Woolwich Arsenal ouvre sa gueule en haut de la rue commerçante: quel bonheur que de s’asseoir. Quel agrément aussi que de regarder défiler le paysage sans un effort.
Tout d’abord, les friches et terrains vagues, des champs de vase, quelques nouveaux lotissements poussant drus au milieu de nulle part, « pour les cadres exécutifs », disent les panneaux. Puis vieux HLM usés en briques noircie, des « cités », dirait-on chez nous, et des entrepôts, souvent en ruines. Une ancienne minoterie domine tout cela de sa façade ravagée, comme un gratte-ciel d’après la fin du monde. Peu à peu, les bâtiments se multiplient, une courbe, et se découvre soudain une autre des démesures du Londres actuel: le téléphérique Emirates, grappes de cabines rondes glissant très haut dans le bleu, depuis une tour filiforme et pourtant immense sur l’autre rive, au loin, jusqu’à une bouche dantesque. Étrange folie. Le métro léger continue de filer, le paysage se fait chaos de routes, de tours, de chantiers, un désordre complet, toute la brutalité de l’anarchie et de l’orgueil capitaliste: des tours, il ne cesse d’en pousser, plongeant Poplar dans l’ombre. Un décor massivement (c’est le mot) dominé par l’architecture 1980-90 la plus pesante, la plus vaniteuse. Dans un soupir, le DLR plonge dans un tunnel, jusqu’à la station Bank son terminus.
Fin du marathon psychogéographique. Je crois que j’aurai profité au maximum de cette opportunité. Avec en bonus quelques séries regardées en direct à la télé anglaise ; quelques librairies ; un dîner au resto indien avec Axel ; une soirée à papoter au Southbank Centre avec Salomé ; hum, oui, il me semble que j’aurai vraiment fait tout ce que je pouvais.
#2321
Lorsque je me promène de la sorte, j’ai dans la tête un monologue qui se déroule, construit par bribes d’observations, des sortes de notes en vue de la rédaction d’un billet du blog. Ce qui ne signifie nullement que tout cela fini sur cette page, bien loin de là, mais il m’est parfois arrivé d’enregistrer des phrases déjà construites. Peu cette fois, en dépit de l’aspect pratique d’avoir dans l’iPhone une application « dictaphone ». Et d’ailleurs, que diable vais-je écrire pour aujourd’hui? Je crois bien avoir été moins dissert dans mon walking commentary, la faute à une fatigue certaine, faute elle-même à une autre insomnie. Ce qui ne m’a nullement empêché d’apprécier la balade, rassurez-vous. Je me trouvais simplement être plus lent et un peu plus… cotonneux, disons.
J’ai fréquemment fait une promenade qu’on ne trouve pas dans des guides, le long de la Tamise, de Richmond à Hammersmith. J’y ai souvent fait allusion dans ces billets, et (page de pub) l’ai rédigée pour Londres, une physionomie. Mais depuis le temps, l’autre rive m’intriguait. Ça tombe bien: l’une des balades du « Capital Ring » part de Richmond pour filer sur cette autre rive. Ne voulant pas répéter quelque part de mon itinéraire habituel, j’empruntai le Richmond Bridge — bien m’en pris, car la passerelle (Richmond Lock) qu’ils disaient de traverser était fermée, comme bien souvent me semblait-il. Que dire donc? Le cheminement est fort divers, mais également très vert, et débute plus ou moins derrière Isleworth Ait, une grosse île laissée à l’état sauvage (ait est un mot du patois du sud pour « île »). Il s’agit d’une pratique courante, ici: des terrains spécifiquement en friche, en vue de la biodiversité. J’ignore si cela se fait autant, en France? Mais au cours de mes promenades, j’ai ainsi croisé moult terrains en friche, bout de forêt ou prairie ; ou certaines de ces dernières de proclamer fièrement qu’elles abritent un ou deux espèces rarissimes: des abeilles nichant dans le sol, tel oiseau, tel papillon. Ah oui, car également, la lecture ne manque pas sur ces chemins: régulièrement, des panneaux explicatifs, même dans des coins apparemment perdus et peu fréquentés, vous livrent des informations sur les lieux. Dans quelques années, tout cela fera l’objet de bornes de réalité augmentée, j’imagine.
Après l’arrière de l’ait, donc, sur les bords de la Tamise, traversée du très policé Syon Park, avant de descendre rejoindre les bords du Grand Union Canal et/ou de la rivière Brent, les deux s’entrelaçant. Arrivé à Osterley Lock, la fin de ce segment du « Capital Ring », je continuai car trop peu de kilomètres s’étaient écoulé à mon goût — six ou sept, et si je n’en ai pas au moins une dizaine dans les pattes je ne suis pas satisfait. Sans césure, je poursuivis donc sur le segment suivant. Le long de la Brent, puis à travers le Brent Meadow, sous un viaduc de Brunel (Isambard Kingdom de ses prénoms, ça c’est du patronyme: le plus grand ingénieur victorien), Brent Lodge Park où l’on nous fait suivre les méandres dd la rivière par un chemin indiscernable de la pelouse — c’est un des grands avantages du climat anglais, ça, les chemins en herbe. Un parcours de golf, un autre — voilà bien une activité typiquement british, même si ce sport fut inventé par les Écossais, tout de même. Première fois que je voyais de près, de l’intérieur, des terrains de golf, en fait.
Tiens, une note: j’ignorais que nombre de petites épiceries sont tenues par des Polonais. Là où je loge on trouve un traiteur polonais, on trouve des produits polonais à la supérette, et en chemin aujourd’hui, comme le parcours traversais pour une fois une route dans un bourg, je me suis arrêté pour acheter à manger. Ce fut assez exotique (et bon).
Cinq heures plus tard, sous un ciel changeant qui s’installa finalement dans le gris renfrogné, et par une température si douce que j’eus presque un peu chaud, j’atteignis la station de métro de Greenford. Les jambes raide et le coeur souple.
PS : Au moment où je rédige ces lignes, encore un autre feu d’artifice crépite et explose dans les environs, ça n’arrête plus (il y a aussi eu un feu sur la toute proche Bishop Avenue, la « Billionnaire Row » — l’avenue des millardaires —, l’autre nuit, mais il s’agissait de l’incendie du manoir d’un filthy rich, ah ah ah) . L’autre soir, Axel m’a acheté un poppy, un coquelicot en plastique pour le 11 novembre.

