La nuit dernière, je me suis réveillé soudain. Non pas alarmé, simplement éveillé et me demandant pourquoi. En bas, dans le faux plafond des toilettes, les hôtes mystérieux — merles, peut-être ? — grattaient plus fort que d’ordinaire, les imprudentes et impudentes bestioles, serait-ce ces sots grincements qui me tirèrent des bras de Morphée ? Je restais un moment à écouter plutôt les bruits nocturnes de la ville, ayant profité d’un redoux pour entrouvrir le vasistas. Las, la nuit s’avéra si silencieuse, grommelant à peine, que je repris le roman en cours et en lu un grand pan supplémentaire — il s’agit du Piranesi de Susanna Clarke, nouvelle pierre (ah ah) à l’édifice des fictions de maisons géantes. Vertigineux, un peu inquiétant, et j’ai maintenant dépassé le point où la nature de cette fiction change, où l’on réalise quel est son rapport au réel, cet espèce de Gurdjieff qui… Mais non, pas de « spolier ». Roman remarquable en tout cas, étrange et prenant.
Archives de catégorie : journal
#2942
Début d’automne, entre moiteurs, chairs de poule et pluies soudaines. Bordeaux retrouve le climat que je préfère : il fait beau plusieurs fois par jour. Le virus vibrionne hélas de plus belle et la vie sociale se délite de nouveau. Le « présentiel » balayé aussi vite que les nuées par ce vent de tempête, je passe mes jours sur Skype et Slack, ou bien au bout du fil, et même mes promenades vespérales se font le masque sur le nez, dans la lumière qui diminue.
#2941
Hier soir le ciel était en flammes, comme en célébration d’une dernière soirée d’été avant la soudaine arrivée de l’automne. Je suis resté un bon moment à admirer les effets de lumière, comme on le ferait d’un tableau — les étagements de nuées incendiées, celles d’un bleu sombre les mettant en perspective, les rayonnements roses… Bref, la cellule de mon téléphone ne pouvait rendre justice à tant de luminosité, grillée par trop de feu solaire, et au bout d’un moment j’ai fait quelques pas dans la rue, jusqu’à tomber en arrêt devant un spectacle de fantastique, une maison hantée très certainement. 
#2940
Ciel gris, ce matin, et bien du mal à me réveiller. La « bascule » arrive enfin : cet été outrecuidant tire à sa fin et la semaine prochaine apportera nous dit-on une fraîcheur automnale — et même, oooh, de la pluie. La pluie me manque, j’aime la pluie : d’ailleurs, à Bordeaux c’est même une attitude conseillée, vu la pluviométrie de notre bonne ville. Il y a quelque chose de confortant dans le bruit de la pluie, elle constitue une présence alors que le plein soleil est une vacuité. Ah, et puis pouvoir de nouveau s’habiller correctement.
#2939
Ne m’habituant pas encore tout à fait aux jours plus courts, je viens d’arroser les plantes dans l’ombre encore épaissie par la loupiote jaunâtre qui oscille au coin de la cuisine. Lorsque le bruit de l’eau s’est tu, celui de l’horloge Spirou, au-dessus des pots de thé, a soudain résonné plus fort, bien distinct comme le sont souvent ces tic-tacs la nuit, alors que muets le jour. L’une de mes deux lectures du moment se trouve en écho avec cette obscurité de fin d’été : un Jonathan Stagge de 1949, Le Cercle écarlate, aimable vieux polar américain se déroulant surtout de nuit. Ambiance de douces ténèbres.
