#436

J’adore Sherlock Holmes, c’est un de mes « péchés mignons ». J’ai donc lu avec un certain plaisir une nouvelle anthologie « sherlockienne », Shadows Over Baker Street (réunie par Michael Reaves & John Pelan — lecture faite sur épreuves, l’antho doit paraître en octobre).

Les festivités y démarrent par ce qui est, peut-être malencontreusement pour l’équilibre du reste de l’anthologie, mais en tout cas sans l’ombre d’un doute: la meilleure nouvelle du recueil. « A Study in Emerald » de Neil Gaiman. Ainsi que son titre peut le laisser comprendre, il s’agit d’une réécriture presque ligne à ligne d’Une étude en rouge, mais avec une subtile déformation opérée par l’auteur… En effet, on apprend que la monarchie anglaise est dirigée par une créature colossale et monstrueuse, nommée la reine Victoria, tandis qu’une bonne partie de l’aristocratie européenne est constituée d’humanoïdes dotés de plus de deux bras, et de sang… vert! Peu à peu, entre les lignes déjà connues, se glisse un malaise sur la nature faussée de cette Angleterre-là, jusqu’à ce que Gaiman nous assène le coup de grâce final: le détective et le docteur dont nous avons suivi les exploits ne sont visiblement pas Holmes et Watson! Mais bien plus sûrement Moriarty et Sebastian Moran, tandis que les deux principaux terroristes anti-monarchiques seraient sans doute les Holmes et Watson de cet univers dirigé par les Grands Anciens!

Après tant de subtilité, l’ensemble des autres textes pâli légèrement — car il ne s’agit que de pastiches assez ordinaires, seul Gaiman y a apporté un tel grain de folie. Pour autant, la lecture est globalement agréable: chaque fois l’enquête de Holmes s’approche d’un mystère de type lovecraftien, et les auteurs s’amusent parfois à glisser quelques références extérieures — l’écrivain H.G. Wells remplace le docteur Watson indisponible dans « A Case of Royal Blood » de Steven-Elliot Altman, Barbara Hambly fait consulter Carnacki oar Holmes dans « The Adventure of the Antiquarian’s Niece ». Le tout forme un ensemble rès amusant et agréable.

Seuls reproches: la relative linéarité des auteurs (qui presque tous choisissent de débuter leur enquête holmésienne de la manière la plus canonique qui soit, à savoir un visiteur débarquant à Baker Street et se faisant scruter par le grand détective), et le manque de surprise induit par le fait que dans une telle antho, forcément, le lecteur s’attend à rencontrer des créatures lovecraftiennes. Les personnages se retrouvent donc en général nettement plus décontenancés que le lecteur lui-même.

Mais qu’importe: ces défauts sont inhérents à l’exercice, bien entendu, et le tout demeure un recueil de fort bonne tenue, plein d’inventions baroques et d’enquêtes distrayantes. Pas de quoi s’en relever la nuit, certes, il ne s’agit pas là de grande littérature — j’avoue même m’être un peu lasser au bout d’un moment & n’avoir fait que parcourir les deux dernirèes nouvelles. Il faut avouer, d’ailleurs, que je n’ai jamais tellement apprécié les récits lovecraftiens, alors… Mais enfin, se trouvent dans ces pages quelques belles petites choses, astucieuses. La palme allant bien entendu à monsieur Gaiman, toujours éblouissant.

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