#615

A Reminiscent Drive (bordel 8)

Avant Jean-Christophe, j’avais eu trois voisins successifs. Tout d’abord un poivrot, un de ces hommes sans âge confit dans l’alcool, rouge de peau et tassé par la vie. Une assistante sociale l’aidait, fort heureusement, une petite dame aux cheveux gris et à la mine douce. Une nuit, je fus réveillé par un bruit extraordinaire, un boucan si violent qu’il parvenait à percer le barrage des boules quiès. Et lorsque je retirai ces dernières, je me sentis presque mal, si forte était l’amplitude de l’agression sonore. Venant de la chambre mitoyenne, une véritable avalanche de bruit se déversait, remplissant l’immeuble. Mon voisin se trouvait avachi au sol, contre son lit, un ghetto blaster faisant contre lui son boulot de blastage. Sans doute n’étais-je pas encore bien réveillé, mais j’eus l’impression de me heurter à un mur. Un peu hébété, j’éteignis l’engin infernal et tâtai le poul de mon pauvre voisin. Le coeur pulsait et l’animal ronflait, étendu sur le flanc.

Je ne le revis plus. Quelqu’un me dit que l’assistante sociale était passée dans la journée pour le traîner dans un centre de désintoxication. De nombreux mois plus tard il paraît qu’il repassa, pour offrir chocolats et plates excuses aux locataires de l’immeuble — las, je me trouvais à l’extérieur lors de sa visite.

Ensuite, ou avant, ou après, je ne sais plus vraiment — de même que je n’ai pas le moindre souvenir de l’éventuel successeur de Jean-Christophe — il y eut un couple de jeunes-vieux: lui bedaine et grosse moustache, elle grisâtre et bas du cul. Puis la chambre demeura vide, ce fut le hiatus estival. Un jour pourtant, où je lisais dans ma chambre un courrier de ma mère (une lettre par semaine, adorable régularité), j’entendis que j’avais à nouveau un voisin, apparemment un garçon, qui recevaient deux copines — lesquelles s’inquiètaient de l’absence de papier toilette aux WC du haut. Me lavnt, j’ouvris ma porte pour leur tendre mon rouleau — et me trouvai nez-à-nez avec Souris. Un gentil goth que j’avais rencontré lors de la Fête de la Musique, quelques semaines auparavant. Tignasse d’un blond sombre, des mèches légères dans tous les sens, au-dessus de deux yeux bleus presque gris, cernés de kohl. J’ai bien peur d’avoir oublié son prénom. Stéphane? Je le connaissais comme Souris: ainsi ses copains l’appelaient-ils.

(to be continued)

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