Un petit voyage down memory lane : je me promettais depuis mon retour à Bordeaux d’aller un jour me promener sur le campus de Talence, dans le triangle que je fréquentais il y a 30 ans — fac de lettres, BU, Village 5 et IUT. Je le fis donc tout à l’heure, avec un sentiment moins de nostalgie que d’amusement léger. Le tram n’effectue pas tout à fait le même trajet, mais j’ai trouvé sans problème. Tout cela n’a guère changé, les bâtiments années 30 à l’entrée du campus sont dans un état de délabrement avancé, les bâtiments années 70 que je fréquentais ne sont pas tellement plus usés, on a posé çà et là quelques lames de métal ou de bois pour camoufler des façades, mon aile du Village 5, où j’ai résidé deux ans, est d’une touchante vétusté. La pelouse n’existe plus où j’avais osé dire « je t’aime » à un garçon prénommé Patrick. Le petit bois de pin à côté de la BU est toujours là, grand et sombre maintenant. Sur les immenses prairies, les petits peupliers sont devenus des lances végétales géantes et toute une diversité arboricole les accompagne : chêne vert, bouleau, sapin, pin. L’IUT se barricade maintenant derrière des grillages verts et là où se tenait le journalisme et les métiers du livre (habillés de neuf en centre-ville) s’annonce maintenant un mystérieux « mediadoc », mais sinon pas grand-chose de neuf.
Amusant comme ce plat paysage de prairies et de pins a influencé mon imaginaire, je rêve encore souvent de lieux semblables, alors qu’il me semble avoir passé mes trois années d’études essentiellement dans un état de grande insouciance et de superficialité — je ne connaissais quasiment mes camarades que par leur prénom, n’ai retrouvé un peu après ma copine Charlotte que par hasard. Au retour, du centre de Talence il ne reste absolument rien, en dehors de l’ancien château Margaux. Tout y est neuf et quelconque.