#2515

Dans mon salon, des bibliothèques s’emplissent de bandes dessinées, à craquer. J’ai été libraire de BD durant près de 20 ans. Bref, je crois pouvoir dire que je suis assez fan de BD… et pourtant j’en achète fort peu, parmi les nouveautés, de nos jours. Amateur des belles intégrales de chez Dupuis et autres rééditions patrimoniales, je ne trouve en revanche guère chaussure à mon pied parmi l’avalanche de nouvelles créations… Est-ce parce que je deviens un vieux con de la BD ? Sans doute, mais pas seulement. En fait, je me rend compte que si je trouve bien naturel de lire de vieilles BD belges où il n’y a que des héros blancs, je suis de plus en plus gonflé par le manque remarquable d’évolution sociologique du 9e art : absence des créatrices (cf. Angoulême), absence des noirs ou autres personnages non blancs (à part dans Tamara), absence des LGBT (à part dans Tamara)… la bande dessinée demeure surtout le domaine du mâle blanc hétéro, toutes les valeurs de la petite bourgeoisie traditionnelle continuent à y avoir suprématie. En dehors d’une minuscule poignée d’albums, pourquoi n’y a-t-il pas de gays comme personnages normaux et ordinaires, alors que même le cinéma et la télévision n’osent plus les ignorer ? Pourquoi les femelles fortement mamelues sont-elles encore considérées aussi massivement comme représentations acceptables ? Et même les auteurs intellos de nous asséner une idéologie hétérosexuelle pesante, comme les auteurs de L’Odeur des garçons affamés que j’ai lu il y a deux soirs de cela. Dès les premières cases ont voit fort bien que le séduisant garçon est une fille déguisée, et le héros homo d’en être conquis, et de coucher avec la fille, et allez donc – en BD il n’y a de désir qu’hétérosexuel. La bande dessinée franco-belge est réactionnaire, en retard de plusieurs décennies sur le reste des arts et de la société. Consternation.

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