#2762

Toujours Simenon : « L’enquête, à la Gare de Lyon, établit qu’un homme répondant à son signalement a fait sa toilette à la gare dans les locaux nouvellement aménagés dans ce but… » Eh bien oui, figurez-vous qu’il arrivait que des gens fassent leur toilette dans les gares, celles-ci se dotant même de douches — j’ai connu cela encore, lors de cet été des années 80 où je fus « dame pipi » à la gare des Bénédictins, à Limoges. Oui, oui, un autre pan scandaleux de ma jeunesse dépravée, en sus de mes deux années de logement dans un bordel. Il s’agissait d’un petit job estival, mon poste se trouvait au petit bureau à l’entrée du « relai toilettes » et j’étais chargé notamment… de vendre les tickets de douche. Oh, je n’en vendis guère bien entendu, qui prendrait une douche dans une gare ? Si ma foi, il y avait le chef du chantier d’installation des nouveaux tableaux d’affichage, lui prenait une douche chaque soir avant de rentrer chez lui. Je ne sais plus si je vendis d’autres tickets de douche. Il faut dire qu’en plus, par une erreur d’emploi du temps, je ne faisais quasiment jamais le service de l’après-midi (le matin était interdit aux stagiaires, rapport à un règlement qui ne concernait que les quais mais que l’administration appliquait aveuglément à toute la SNCF) mais que des trois huit, je fis essentiellement celui de soirée et nuit. J’ai donc connu bien des ambiances étranges, dans cette immense gare nocturne. Un regret : celui du très beau jeune homme qui vint me draguer un soir — voyageur de passage, envie d’une aventure, je fus sot, n’osa pas quitter mon poste pour aller butiner dans les douches, quel idiot. Le visage à la fois rougissant et lumineux du garçon m’est demeuré gravé en mémoire, ses boucles courtes et rousses. Un autre garçon, chaste celui-là, le jeune analphabète aux cheveux de paille qui trouva refuge près de moi car les malabars de la sécurité l’embêtaient — il attendait un train qui ne devait arriver qu’au petit matin et avait un peu un air « loubard » (le terme était d’usage courant, à l’époque). Il ne savait pas lire mais parler ça oui, je me souviens qu’il bossait pour un brocanteur, il me fit penser à Roland et, sous l’emprise d’un coup de foudre d’amitié, nous restâmes à bavarder toute la nuit, j’attendais même son train avec lui, sur le quai au jour levant, plutôt que de rentrer chez mes parents à la fin de mon service.

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