#6050

Une brève promenade dans le quartier, à l’heure du soleil clair et doré de la fin de journée. Une senteur mêlée de jasmin et de fumée flottait dans les rues, là-haut les nuages érigeaient de grandes meringues bleutées, et les fleurs, partout des fleurs. Des chats, aussi.

#6049

Parfois, le soleil laisse percer un rayon par le vasistas de l’escalier jusque dans la pénombre du vestibule et frappe le vase jaune comme s’il s’agissait d’une lanterne, soudain incandescente. Mon ami Sébastien Hayez, toujours artiste, a saisi l’autre jour ce petit miracle domestique. Ce soir, c’est au-dehors que se joue la symphonie de la lumière, le ciel dans l’échancrure ferroviaire se découpe en bandes d’un rose de lave, d’un jaune presque vert et d’un blanc fumigène, avec en bas les maisons déjà un peu dans l’ombre comme le dos d’une baleine.

#6048

Marchant avec un ami, vendredi soir, j’ai soudain remarqué le silence qui planait sur le quartier et me suis mis à chuchoter pour ne pas le briser. C’est avec la pluie et la lumière du vaste ciel l’un des charmes du Bordeaux que j’apprécie, cette capacité au silence, au calme en pleine concentration urbaine. Et approchant de la voie ferrée, nous nous arrêtâmes un instant pour écouter le chant des grillons dans le pierré parsemé des derniers coquelicots.

#6047

Au jardin, plantes et bêtes ne se soucient pas des chagrins, tumultes et embarras des hommes. Patates, fraises et capucines poussent au même endroit, la menthe bouscule le thym, un trèfle perce au milieu d’un géranium. Un bruyant bourdon noir aux ailes bleues passe de fleur en fleur.  Pluie, soleil, pluie, soleil.

#6046

Rentrant hier soir de la librairie, bien qu’un peu fourbu je suis pourtant ressorti de suite, ayant besoin de marcher. Perdre un vieil ami, le début du deuil, c’est un tel vertige. Tournant dans les petites rues que je connais par cœur, caressées par la lumière dorée, j’ai respiré les senteurs du jasmin et des chèvrefeuilles en me remémorant sa voix, son visage, sa silhouette, juste pour vainement essayer de maîtriser un peu cette perte, cette impuissance, penser aux siens, et à toute une époque qui devient fantôme.