Ces derniers jours j’étais patraque, rien de grave, juste une petite crise de mon problème de digestion chronique — peut-être avais-je consommé du glutamate sans le savoir, enfin bref. Ce matin, après pourtant une nuit passablement blanche, je me suis levé étonnamment gaillard. J’ai donc décidé d’aller me promener un peu, en tentant une idée que j’avais eu. C’est fou ce qu’un simple billet de bus peut vous conduire loin. Car voyez-vous, la marche à pieds c’est bien, le vélo c‘est chouette, mais je ne peux explorer aussi loin que je le voudrais mon environnement bordelais, tout de même.
J’ai donc rejoins le bus 91, sur l’autre rive, et l’ai pris… jusqu’à son terminus, à Ambès. Le but étant de voir comment c’est, tout au long du fleuve… Et je ne suis pas déçu : intéressant de voir comment la ville cède vite la place à un long balbutiement entre ruralité et industrie, ici les ziggourats d’engrais et de pétrole, ici les prés et les blés, quelques villages et beaucoup d’espace naturel, tandis que l’eau enfle, s’élargit, ample Garonne qui descend vers sa confluence avec la Dordogne. Çà et là des panneaux rappellent le contexte fluvial, « Cale de mise à l’eau », « Voilerie de l’estuaire », « douane pétrolière »… Toute la rive se piquette de cabanes perchées, sauf dans les zones véritablement portuaires, où j’ai vu un beau tanker orange vif amarré auprès des hauts zigzags de passerelles en ferraille et des grandes grues. Après un curieux cimetière de caveaux pyramidaux alignés en rangs serrés, le terminus s’avère une déception, Ambès n’est qu’une bête banlieue sans âme, les pavillons alignés comme les tombes précédentes, aussi vivants. Une banlieue de rien, l’extrémité de cette terre n’est que zone industrielle. Et le bus 92 ne coïncide pas, j’espérais rentrer par le bord de l’autre fleuve, tant pis, je fis le retour comme j’étais venu, voyant d’autres choses, observant les yeux bien ouverts ces paysages du lointain bordelais, à la fois anodins et poétiques.