Archives de l’auteur : A.-F. Ruaud
#5152
#5151
Dans mon court roman Menace sur l’Empire, troisième des Bodichiev, j’avais commis un sacrilège en cassant une statue londonienne que j’aime beaucoup… Ah, quand retournerai-je à Londres ?
Chapitre III
Mardi 7 août, 03 : 47, Torrington Square
Avec un claquement sourd, la statue du philosophe tamil Thiruva’l’luvar se fend en deux, dans la diagonale du buste. Le calme visage de pierre bleue roule dans l’herbe, en fumant légèrement. Un renard s’enfuit dans l’ombre de l’université, laissant échapper, en staccato régulier, quelques yak yak secs pour tout reproche. La bruine forme un brouillard rougeâtre dans le halo des réverbères. La destruction de la statue sera mise au crédit d’un regrettable vandalisme, échappant ainsi au décompte des événements étranges.
#5150
Décembre. Fourbu d’une journée de relecture de maquettes avec mon équipe, pas le goût à lire (ciel !) mais plutôt à me dégourdir les jambes. Un bref tour du quartier, admirer la fée électricité jouant sur fond de nuit humide, humer la senteur de fumée urbaine, songer à Maigret et Gil Jourdan. Clopin clopant sur la chaussée luisante.
#5149
Décembre. Balayer l’épaisse moquette grise des feuilles mortes, sur la terrasse, déposée par le micocoulier comme la température descendait sous le zéro. Écouter les bruits noueux des branches et de la bise. Les rues de Malakoff, l’autre jour, s’emplissaient des criailleries des corbeaux. L’air crispé de froid coule sur le quotidien affairé, juste avant la halte des dimanches obligatoires. Il y a une telle pesanteur des fêtes, presque écœurante, dodelinante, un peu bête. Une fièvre molle, grommelle-t-il.

