#2542

Souventes fois, j’attends le bus ici, au pied de la jolie caserne de pompiers sixties sur l’autre rive, face à la flèche de Saint-Michel, et à chaque reprise ce panorama me fascine, la Garonne immense, le clocher pointu, l’alignement des façades…

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#2541

De l’autre côté de la fenêtre, les têtes blanches et roses des azalées oscillent dans le vent, les branches du bambou battent comme des bras et le mimosa hoche de toutes ses minuscules fleurs jaunes. Bordeaux pour moi a un goût d’enfance. Le mimosa demeure attaché dans mon souvenir à ceux qui, grands bosquets, tenaient la garde auprès du puits, à la Devinière, la maison familiale en Bretagne (celle qui se trouve en photo sur mon bandeau). Sur le marché, je peux acheter des Sainte-Maure, buches de fromage de chèvre à la tourangelle, comme l’on en mange chez mes parents. Sur le marché également, de l’autre côté de la barrière de Bègles chaque mercredi, s’installe la marchande d’une boucherie chevaline. Une telle boutique se tenait voisine de celle de mon grand-père, pour moi la viande de cheval est la meilleure. Et désormais, je peux donc inscrire les délices du steak haché cru et du saucisson fumé de cheval à mon menu, dans mon quotidien. Les voix, aussi : monsieur Mollat parle avec l’accent de mon parrain, ma propriétaire avec celui d’une cousine de mon père. Adulte, je suis en pays de jeunesse.

#2539

Dans mon bout de jardin lavé de frais, la nature s’éveille. Jacinthes et glaïeuls ont poussé leurs lances vertes en petits bouquets pointus, le sol se couvre des feuilles rondes et des minuscules fleurs roses des myosotis, et le camélia porte plus de gros boutons rosés que de feuilles charnues. La marguerite présente une unique fleur blanche.

#2538

Ayant éteint la musique je remarque un murmure, un froissement, c’est la pluie et j’avoue bien aimer l’entendre, le soir, chanter doucement au dehors. Comme une présence pour accompagner la lecture nocturne. Je tend l’oreille, un train passe aussi, sourd grondement, mais l’averse domine, pianotant le verre des vasistas, là-haut, léger, léger.

#2534

Mandou rentrant d’une petite escapade nocturne sur les toits, hier, avait le pelage qui sentait cela : la fumée, le bois brûlé. Me promenant dans les rues du quartier Saint Seurin en début d’après-midi, c’est encore cette odeur que je perçus, celle d’une ville hérissée de cheminées. Un Bordeaux en vieille dame au parfum hivernal de feu de bois, avec juste une touche d’astringence crayeuse dans ses rides de pierre et, parfois, dans une ruelle, peut-être un soupçon de pipi de chat.