Après les courbes de la gare de Bordeaux, les plis doux du paysage considéré depuis le train : vignes, collines et bois sous un ciel voilé de soie bleutée, pour un passage parisien rapide. Je voyage très peu, trop peu, mais hier efffectuant quelques sauvegardes et rangements j’ai cependant constaté que mon prochain recueil de Bodichiev — Voyages d’un détective à vapeur — avance malgré tout, je ne savais plus trop où j’en étais : Lisbonne puis Rome ; Florence ; Bruxelles ; Bordeaux ; Inverness en cours d’écriture ; et une intro épistolaire… voilà qui devrait faire la matière d’un petit volume supplémentaire, l’année prochaine. L’actualité immédiate étant le « best of » en Folio début mars et le court roman Les Arrière-mondes en mai. Pour le reste, je suis toujours dans les relectures et corrections du long roman, chaque fois que j’en trouve à grappiller le temps.
Archives de catégorie : écriture
#5171
Hier soir, lors d’une passionnante intervention à la librairie du Basilic, Christine Luce évoquait la forme d’obsession qui saisit l’écrivain, ce qu’elle nomme une intrication : le fait de penser tout le temps à son projet en cours, à l’univers de celui-ci. Il s’agit de quelque chose que j’ai fortement ressenti cette semaine où, après la fatigue d’un intense séminaire avec mon équipe… alors que mes pieds me font toujours souffrir… et que l’arrachage lundi de deux dents m’a fichu en fièvre et en insomnies… et où je n’ai encore pu me replonger dans la relecture de mon roman… et que j’avais presque plus de boulot que possible… bref, lors d’une fichue semaine fébrile et éreintante, je me suis retrouvé à noter des « trucs Bodichiev » aux heures les plus incongrues, comme encore cette brève description couchée la nuit dernière…
« De l’autre côté des fenêtres, les seuls mouvements dans le paysage étaient les diagonales de la pluie et les glissements des nuages venant déjà jeter l’ancre pour la nuit. »
#5170
Las après cette semaine d’intensif jus de cervelle, assis sous une fenêtre dans le soleil hivernal, les jambes encore tremblantes de diverses marches, crampes et compagnie, je renonce hélas à une manif plus de mon âge (!) et note juste une phrase sans contexte, dont faire usage un jour.
« Traversant le pré silencieux dans les senteurs du soir, alors que les tentacules diaphanes d’une brume blanchissaient les creux du terrain, Bodichiev réfléchissait. »
#5167
C’est bien Imbolc, le retour de la lumière. Me suis interrompu tout à l’heure en vue d’une course trop longtemps repoussée. Cette grande luminosité hivernale, dorant les façades, quel bonheur. J’avance dans mon travail du moment, très concentré : suis à un peu plus de la moitié de la relecture de mon roman. Cette brève marche dehors m’a fait cogiter. Quelques petits chapitres supplémentaires et des aménagements utiles. Plus la manière d’intégrer une nouvelle ancienne à cet univers. Right-oh !
#5160
Mi octobre dernier, une librairie d’imaginaire s’est ouverte à Bordeaux, dirigée par ma chère amie Nathanaëlle. Ce local qu’il nous a été possible de louer, au 20 rue du Mirail, en bas de l’hôtel de la Perle (ou hôtel Saint-François), j’avais déjà une longue histoire avec lui. D’abord, j’avais brièvement fait un stage dans la librairie anarchiste qui, au mitan des années 1980, se tenait en ces lieux. Et j’avais visité plusieurs fois cet étonnant immeuble, au point que révisant ma vieille nouvelle « Un ange sur le banc » pour une revue qui me l’a demandée, j’y retrouve avec amusement cette description :
« Nous nous promenions rue du Mirail, lorsque j’avisai un porche. Un escalier montait dans un vieil immeuble. La puissance de l’impression de déjà-vu me fit frissonner. Nous grimpâmes l’escalier obscur. S’ouvraient d’un côté la porte d’un hôtel, de l’autre une minuscule cour moussue. J’étais abasourdi : je connaissais ces lieux, mais pas pour les avoir visités dans ce monde, non. Je redescendis les marches quatre à quatre, suivi par mon ami passablement médusé, puis contournai l’angle de l’immeuble. Là, sur une rue étroite, s’élevait la façade colossale de l’hôtel, pyramidale, ornée de statues rongées par l’âge, son rez-de-chaussée condamné. Peu importait son état ; le même hôtel s’élevait dans une des villes de mes « visites », pas très loin de chez Pierre-Jean l’Érudit. Le même hôtel : menaçant ruine dans cette petite rue Saint-François de Bordeaux, blond et imposant de l’Autre Côté. Un ami de Pierre-Jean habitait dans la petite cour, derrière la porte bleue ouvrant sur la mezzanine… Fugitive, l’envie me vint d’aller y frapper. Je me retins, réalisant l’absurdité de ma situation. Dans la réalité, ici et maintenant, les habitants de l’immeuble me seraient inconnus. »