#2999

J’ai lu hier soir les deux préfaces de Timothée Rey à ses pavés chez Mnémos consacrés à Fritz Leiber, un boulot formidable. Je ne lis quasiment jamais de traductions (de l’anglais) mais là, il s’agit d’omnibus sans équivalents américains, c’est remarquable. Et en début d’une des préfaces, Tim se permet de citer Paul Morand, avec les précautions d’usage : eh oui, il est clair que Morand était un absolu sale type — il faut lire par exemple l’essai Le Soufre et le moisi de François Dufay (chez Tempus), ah ce titre formidable ! —, mais oui aussi, quel style, et les carnets de voyage de Morand demeurent très lisibles, sans le poids de l’idéologie rance du bonhomme ni de ses mondanités rassies, de beaux documents dans une grande langue. Quel style, oui, que j’admire vraiment comme travail de pure écriture – et je me souviens qu’un jour, Ugo Bellagamba m’avait fait lire le début d’une traduction de Babbit de Sinclair Lewis dans un vieux Livre de Poche à couverture peinte, et ces premiers paragraphes étaient du bonheur parfait — traduction de Morand, stylistiquement supérieure à l’original (même si le roman de Lewis est superbe).

#2988

Je ne suis pas assez âgé pour me souvenir de la sortie de l’ultime roman de Simenon, Maigret et monsieur Charles, en 1972 – que je viens de relire, beau roman triste pour terminer sa carrière, je ne l’avais lu qu’une fois, il y a longtemps. Je suis en revanche d’un millésime suffisant pour me rappeler à la devanture de la librairie des Toulouses, à Cergy, cet Hercule Poirot quitte la scène qui en 1976 clôtura la carrière du petit détective et de sa vieille biographe – et que je me suis toujours refusé à lire, ne voulant point voir mourir mon héros.

#2986

« Il s’offrît un verre de bière. Il avait promis au docteur Pardon de ne plus exagérer. Mais pouvait-on dire qu’il est exagéré de boire, pour toute une journée, trois verres de bière à la pression ? » Maigret picole tranquillement, moi pas, ma drogue de prédilection étant le thé. Et je n’exagère plus : je suis passé ces dernières années de trois théières par jour, ce qui était sans doute un tantinet trop, à une théière et demi tout au plus. Imperceptiblement, les habitudes changent, je m’humecte moins.

#2985

Je relis (pour la troisième fois me semble-t-il) ce délicieux polar de 1933, qui constitue pour moi l’une des pièces de cette « collection imaginaire » qui réunirait les fictions académiques. Small World de David Lodge m’introduisit à ce type d’univers, je crois, les universitaires et les étudiants, dans des éclats de rire, puis j’ai lu aussi bien les Robertson Davies que la fantasy Tam Lin de la trop rare Pamela Dean, ou bien le si beau et sérieux Brideshead Revisited d’Evelyn Waugh, le curieux roman de jeunesse de son frère Alec, The Loom of Youth, tant de polars situés à Oxford ou à Cambridge… Des livres exsudant la senteur d’autres vieux livres, l’air raréfié des hautes études, les frasques universitaires, les intrigues de quadrangle…

#2983

Après une année a régulièrement lire des Mario Ropp, autrice oubliée de romans noirs très « vintage » au Fleuve Noir « spécial police » (petit vice que je partage avec Michel Pagel, qui m’a fait découvrir cette Sagan du polar), je suis actuellement dans un marathon de Josephine Bell, autrice certainement à peine moins oubliée, britannique, de polars entre les années 40 et 70. J’apprécie beaucoup la structure assez éclatée, souvent polyphonique de ses romans — et je songes tranquillement à construire ainsi mon prochain Bodichiev. Quoique rien ne presse : d’ici là, je dois encore avancer dans le court roman que je co-écrit avec mon camarade Basile Cendre, et j’ai une nouvelle sur le feu.