#2807

Simenon c’est l’écrivain de la météo : il ne cesse de décrire le temps, le ciel, et ce matin j’ai repris Maigret s’amuse, qui coïncidence assez idéalement avec cette période de vacances (ou du moins pour ce qui me concerne, de relâche partielle, disons). « Le ciel était du même bleu uni, l’atmosphère molle et chaude », oui c’est exactement cela ce matin. Je relis en ce moment les Maigret deuxième époque, ceux des années cinquante et soixante (ou s’y déroulant, puisque SImenon situe nommément les derniers en 1965 bien qu’il les ait écrits au début des années septante). Car il y a clairement deux Maigret : le premier est né vers 1887, il prend sa retraite en 1934, sa femme se prénomme Henriette, ils habitent place des Vosges, le brigadier Lucas meurt vers la fin, le gros Torrence a quitté le PJ pour fonder l’Agence O… Et le deuxième est né en 1912, il prend sa retraite vers 1967 ou 68, sa femme se prénomme Louise, ils habitent bien entendu boulevard Richard-Lenoir, Lucas est inspecteur tout comme Janvier et Lapointe… Dans son « Bibliothèque rouge », Jacques Baudou avait essayé de concilier les deux, mais finalement ça ne fonctionne pas, ou mal, si l’on examine un peu mieux les éléments de l’enquête… Pas encore relu le roman avec le troisième (!) Maigret, les Mémoires… Univers parallèles…

#2800

L’orage m’a réveillé cette nuit, vers 4h je crois, fort et grondant, puis des cataractes, ce ne fut pas très long mais bien que tiré de mon sommeil j’ai trouvé ça agréable, appréciant le vent frais et le grand souffle de l’eau. Et puis, chaque fois qu’il pleut je me dis que c’est bien pour le jardin. Pas que Bordeaux soit avare de pluie, en général, mais je constate que j’aime assez cela, même en dehors des canicules. J’ai donc continué à relire un Maigret et bien sûr il y pleuvait, de cette « pluie longue et froide qui met des hachures claires dans la nuit »… Simenon lui aussi devait aimer la pluie, c’est sûr. J’ai repris mes travaux romanesques et comme de juste il y pleut beaucoup, dans ce texte.

#2798

Les maisons ont des portes en pitchpin et des rideaux en guipure, il y a de la buée aux fenêtres et des poêles qui chauffent, les locomotives crachent feu et vapeur, les autobus à plateforme sont vert et blanc, la police parque ses berlines sur les lieux du crime, le commissaire porte le melon… et il y a tout le temps de la pluie, du brouillard, des brumes… Paris était-il réellement si nébuleux dans les années 30 / 50, ou bien n’est-ce que parce que Simenon aimait les ambiances froides, laiteuses et incertaines ? Une certitude en revanche : Maigret boit, tout le temps, demi de bière ou petit blanc sec…

#2791

Faire les vide-grenier, c’est trouver des livres que l’on en savait pas que l’on cherchait, ni que l’on désirait, bien souvent des livres dont on ignorait tout simplement l’existence. J’ai certes quelques listes dans mon téléphone, mais de manière générale, je n’achète qu’au gré des trouvailles, sans rime ni raison pour ainsi dire, juste des coups de cœur.

Ainsi des deux vide-grenier de ce week-end, qu’ai-je rapporté ? Une BD de Trondheim que je n’avais pas acheté à sa sortie, encore un Simenon en grand format, un petit Jeury, un Maupassant de la jolie petite intégrale France loisir (eh si), une fantasy 1900 d’Hervé Jubert, et puis ma foi, le plus encombrant, cet immense Journal de l’impressionnisme que je viens de rapporter de la brocante Saint-Michel.

Pour lui préférer quelques mouvements plus tardifs, les fauves en particulier, je demeure fasciné par cette avant-garde artistique que fut l’impressionnisme, maintenant si admise et reconnue au point d’en devenir presque ordinaire – et qui cependant n’a rien perdu de sa force esthétique, me semble-t-il. Et ce grand ouvrage de chez Skira pratique une approche qui me plaît toujours, si controversée et analytiquement nulle qu’elle soit, à savoir le « biographisme ». Une sorte de grande bio des artistes principaux du mouvement, et de leurs marchands, en un seul flot narratif fort bien mené. Ayant moi-même pas mal pratiqué cet art mineur de la biographie, que ce soit pour des figures mythiques comme Holmes, Lupin, Poirot ou Wolfe, ou pour des artistes comme Rackham, Dulac et WH Robinson, j’apprécie la « patte » des auteurs. Et suis toujours touché par une présence si discrète et en même temps si cruciale, celle de Julien François Tanguy, dit le père Tanguy, le marchand de couleurs qui tenait boutique au 14 rue Clauzel, dans le IXe à Paris.

« Julien Tanguy (1825-1894). Broyeur de couleurs de son métier, il a été de ce petit peuple parisien qui a su accueillir les nouveaux peintres au moment où les officiels et les amateurs s’en détournaient. Il avait vécu les journées glorieuses et sanglantes de la Commune de Paris, était allé au bagne en tant que communard et, semble-t-il, compensait une utopie perdue, par sa bonté, soutenant les peintres miséreux, méconnus et souvent méprisés. »