#2332

Et en parlant de lectures, passer en revue tous mes billets de « dernières lectures » de l’année écoulée m’a permis de réaliser qu’il y a encore pas mal de bouquins qui passent à trappe, que j’oublie d’évoquer au fil des mois… Et notamment, j’ai vu avoir omis de signaler ma grande déception à la lecture de l’autobio de David Lodge, Quite a Good Time to Be Born. Quel ennui, mais quel ennui ! La vie ordinaire d’un catho coincé mais obsédé, tout cela est d’une bourgeoisie, d’une hétérosexualité, d’une platitude… Moi qui adore la verve de cet auteur, d’ordinaire, fut cruellement douché par la grisaille de son examen personnel. Autant l’autobio de Christopher Fowler, Paperboy, m’avait tellement plu que je l’ai relue quelques mois plus tard, autant celle de Lodge m’est tombée des mains après quelques tentatives.*

Et en revanche un roman que j’ai apprécié sans le citer, shame on me : La Voix de l’Empereur d’un certain Nabil Ouali (chez Mnémos). J’avais essayé une première fois mais avais été rebuté par le nombre de « c’était » et autres verbes ternes. La seconde fois fut la bonne. Le roman est court et polyphonique, d’un très beau lyrisme et d’une langue très soutenue, nonobstant la faiblesse ci-avant signalée. Classicisme absolu en matière de fantasy, pour toute la situation, mais en fait il y a maintenant eu une telle quantité publiée de fantasy médiévalisante / épique que le genre devient presque un exercice de style, une culture en soi un peu comme, je ne sais pas, l’opéra par exemple ; on apprécie la beauté et l’inventivité relative des variations, et celles esquissées par Nabil dans ce prologue me semblent fort belles.

* Ma déception vis-à-vis de Lodge fut d’une telle ampleur que j’ai eu envie, quoique tardivement, de l’exprimer. tout en sachant bien entendu que ladite déception provient assurément tout autant ou plus encore de ma propre subjectivité que de ce que l’auteur y a mis : j’exprimais il y a peu mon peu d’enthousiasme pour le sempiternel exposé des existences hétéro, et là en plus le mec est catho, eurk. tandis que bien sûr Chris Fowler est gay, ce qui fait que son autobio m’a infiniment plus parlé, à moi. question de « courant » qui passe, sur des sujets aussi intimes.

#2331

À force de voir fleurir des « best of » un peu partout, je me suis dit que j’allais regarder ce que j’avais lu (ou relu) cette année 2015, et essayer de discerner ce qui m’avait le plus marqué, le plus séduit dans cette masse de bouquins… Vraiment et uniquement le très marquant, le plus touchant à titre personnel et très subjectif (y compris trois titres parus ou à paraître chez les Moutons électriques, eh bien oui, c’est assez logique). Mois par mois, allez hop, remontons le temps.

  • Décembre : February House de Sherill Tippins
  • Novembre : Weighing Shadows de Lisa Goldstein
  • Octobre : Pedigree de Patrick Modiano
  • Septembre : Kallocaïne de Karin Boye
  • Août : tous les Harry Potter de J. K. Rowling + Where de Kit Reed
  • Juillet : Kafka à Paris de Xavier Mauméjean + The Sword of Winter de Marta Randall
  • Juin : toujours les Maigret + The Golden Age of Murder de Martin Edwards
  • Mai : presque tous les Maigret de Simenon
  • Avril : La Fenêtre de Diane de Dominique Douay
  • Mars : Le Guépard de Tomasi di Lampedusa
  • Février : The Days of Anna Madrigal d’Armistead Maupin + Notre-Dame des Ténèbres de Fritz Leiber
  • Janvier : Les Tribulations de Maqroll le Gabier d’Alvaro Mutis

#2330

Dernières lectures : le premier des E. V. Cunningham, soit Howard Fast sous pseudo donnant dans le polar californien à la Ross MacDonald, Samantha. J’avais lu la série il y a très longtemps en Série Noire, les VO semblent introuvables à part le premier. C’est bien sympa, avec ce flic de Beverly Hills, Nisei (Japonais américain) et adepte du zen. Je relis les Lord Darcy de Randall Garrett — lecture un peu « pro », puisque je dois faire la préface de la nouvelle intégrale française, mais quel plaisir. Relu encore deux autres Joseph Hansen (qui deviennent moins froids avec le passage du temps) et un Michael Nava (toujours aussi sombre). J’avoue que par moments j’en ai marre de ne lire que des histoires d’hétéros, qui n’engagent jamais complètement mon intérêt. Lire un petit peu des fictions gay me fait un bien fou, en dépit de l’aspect passablement pessimiste de ces polars et d’époques (années 1960-70) encore terriblement intolérantes (mais cela -a-t-il tant changé?). Cela parle à mon identité, à ma culture ; à mon cœur et à mes émotions.

Déviant du polar, j’ai dévoré February House de Sherill Tippins, une bio que j’avais achetée il y a 10 ans. Superbement écrite et documentée, ça se lit comme un roman. La vie bohémienne des jeunes WH Auden, George Davis, Carson McCullers, Gypsy Rose Lee, Klaus Mann et Benjamin Brittain, durant les deux années et quelques où ils vécurent plus ou moins en communauté dans une « brownstone » de Brooklyn Heights. C’est aussi captivant que touchant, et bien sûr fort gay. J’aime régulièrement lire ou relire sur la génération Isherwood – Auden, qui me fascine.

#2328

fen-chu001Hier soir, j’ai lu l’un des romans d’Achille Talon, enfin, de son inspiration paraît-il, le polygraphe George Fronval. J’avais trouvé ce fascicule à la brocante Saint-Michel il y a quelques dimanches de cela, attiré par l’amusante illustration de couverture par Brantonne. Et je ne fus pas déçu : péril jaune, mystérieuse cité souterraine au Thibet, rayon de la mort, robots géants, ricanements maléfiques et sémillant jeune reporter parisien, tout y est. De la littérature populaire plus qu’archétypale, dans cette tradition qui file droit depuis Zigomar jusqu’à Bob Morane en passant par Fantômas et Fu Manchu. Un délice de connaisseur.

#2327

Point lectures, as usual : j’avais décidé d’un mois de décembre exclusivement polar et je n’ai (presque) pas triché, ma seule entorse ayant été Feuillets de cuivre de Fabien Clavel, qui pour être légèrement steampunk s’avère surtout et bel et bien polar. Première fois que je lis du Clavel, je crois bien, beau style même si mes réflexes éditoriaux auraient apprécié quelques retouches de plus ; et les nouvelles sont astucieuses, enquêtes d’un gros flic obsédé de bouquins, avec clins d’œil à Dupin, Nero Wolfe etc. Préfaces et postfaces sont en revanche superflues, limite cuistres, en tout cas outrecuidantes tant elles ont font des tonnes, le recueil se défend tout seul.

Sinon, relu le deuxième Joseph Hansen, dans la catégorie polar gay californien seventies. Son écriture précise, presque obsessionnellement détaillée, tout en étant très froide, m’a toujours fasciné. J’entasse des tonnes et des tonnes de romans policiers, mes étagères sont d’ailleurs bientôt pleines, et en ai tiré quelques non lus : Calibre de Ken Bruen, un auteur Irlandais actuel ; pas trop aimé, style haché, bref, très nerveux, trop noir/cynique pour moi. A Christmas Party de Georgette Heyer, comédie parue en 1941, sur le bon vieux thème des crimes commis pendant une réunion familiale de Noël (j’avais consacré un chapitre au sujet, dans la bio d’Hercule Poirot). Et sur le même, une excellente variation des années 1980 : Murder at the Old Vicarage de Jill McGown, dont il faudra que je lise d’autres romans parce que ce mélange de thématique Golden Age et de gritty eighties fonctionne à merveille. Là j’ai commencé un polar historique avec C. S. Lewis menant une enquête en 1933, c’est sympa. Ah, oh, j’oubliais : je suis aussi dans London’s Glory, le dernier en date des « Bryant & May » de Christopher Fowler, cette fois un recueil.