#153

Pffou, premier jour de vacances et je ne suis guère réveillé, somnolé une partie de la journée, pas trop envie de bouger — je me suis donné quatre jours avant de partir à Londres une semaine, quatre jours afin d’essayer de me reposer un peu, de réduire un tantinet la cadence de mon horloge interne avant de partir flâner outre-Manche…

Je ne parle jamais ici que de livres — devrais-je également parler des séries télé que j’aime? Ou, ô combien envahissant/important dans ma vie, de la musique que j’écoute? Pfiou, je ne vais plus en finir!

Non, ça ne me semble guère faisable… « groupir, rester groupir! » comme ils disaient dans la 7e Compagnie… 😉

Ou alors, juste un mot pour vous dire que rater actuellement sur Série Club Northern Exposure (Bienvenue en Alaska) serait une belle sottise! Une série typiquement & précocement post-Twin Peaks, sur les mésaventures d’un p’tit docteur juif new-yorkais paumé dans un bled d’Alaska qui ne semble peuplé que d’excentriques — charmants, mais un rien zarbis, tout de même. Et quoique le p’tit docteur en question me tape un rien sur les nerfs, par moments (pas facile de s’identifier à un personnage pas réellement sympa); et quoique l’image/la photographie ne soient pas hyper nickels (ça a déjà pris un léger coup de vieux); Northern Exposure demeure une expérience télévisuelle unique. Chaque semaine un petit bonheur tordu, lumineux, out of this world, souvent à la limite du réalisme magique. On respire!

Quant à la musique… Redécouverte en ce moment des tempêtes levées par Pierre-Yves Theurillat (le défunt groupe suisse Galaad). Écoute quasi quotidienne de monsieur Steve Hogarth (Marillion, plages 2, 4, 5 & 7 de l’album « Anoraknophobia » dont le reste ne vaut pas tripette mais qu’importe: quatre titres exceptionnels ça constitue déjà un met de choix!). Idem cet autre anglais méconnu qu’est Tim Bowness, le crooner lymphatique (no-man, Samuel Smiles, Henry Fool & plein d’autres groupes/projets). La sphère JBK (Janssen-Barbieri-Karn, & David Sylvian, & David Torn, & Theo Travis). Et du progressive rock, surtout, encore, toujours.

Retour d’ascenceur: reçu un mail bien cool d’un blogueux français, m’sieur Iokanaan.

Et puis, tiens, un moment d’égocentrisme! Pour changer? 🙂

J’ai divers articles & entretiens disponibles sur la toile, en voici une petite liste…

Entretien sur « manuscrit.com »

Article « Élisabeth Vonarburg, bibliographie commentée » (plus à jour du tout…)

Article « Notes éparses pour une étude de l’oeuvre de Gilles Thomas » (un sujet qui ne m’intéresse plus du tout, dois-je avouer…)

Article « Le voyage au bout de l’homme de Jacques Lacarrière » (ah, si! Un de mes livres cultes!)

Article « Replay de Ken Grimwood, un classique instantané »

Article « De quelques atlas imaginaires »

Article « L’homme qui aimait les étoiles, Jean-Jacques Nguyen »

Article « Notes sur le genre Fantasy: à la recherche d’une définition »

Article « Soleil chaud! Soleil chaud! » sur Michel Jeury

Et la série de 15 articles « Les petit maîtres de la S.-F. », qui paraissait fut un temps dans Bifrost, lorsque j’étais encore un bon fan de SF… 😉

#152

Lu La nouvelle bande dessinée. Un recueil d’entretiens conduits par Hugues Dayez (chez Niffle).

Je ne pense pas que ce terme de « nouvelle bande dessinée » soit bien trouvé, mais en revanche Dayez (un journaliste belge déjà auteur de deux livres remarquables d’intelligence & de lucidité sur la BD: Le duel Tintin-Spirou sur les auteurs de l’âge d’or belge, et Tintin et les héritiers sur la « gestion » de l’héritage Hergé — ce mec est l’un des rares à réfléchir sur la bande dessinée, média hélas toujours privé de réflexion critique) ne s’est pas gouré en choisissant qui interviewer pour faire une sorte de panorama de la nouvelle tendance bédéiste, celle de ces auteurs à part entière issus du mouvement dit « indépendant ». Quoique… finalement, ce sont presque des évidences, pour qui connaît bien ce qui se publie aujourd’hui. Mais tout de même: quelle belle & lumineuse brochette de talents! Christophe Blain, Blutch, David B., Nicolas de Crécy, Dupuy & Berbérian, Emmanuel Guibert, Pascal Rabaté, Joann Sfar.

Manque forcément Lewis Trondheim — qui comme d’hab’ a refusé de s’exprimer (mais a fait la couv et les têtes de chapitres) — et peut-être Manu Larcenet, par exemple, mais qu’importe, les neuf auteurs choisis sont incontournables. C’est vraiment excitant, de se dire qu’en ce moment se construit une bande dessinée réellement adulte, intelligente, se revendiquant sans fausse modestie mais sans prétention non plus comme un art à part entière. Ça doit faire quoi, cinq ans? dix ans? que ces mecs bossent, mais avec leur incroyable prolixité, et leur talent, ils ont imposé leur manière de voir, de faire — leur voix. Hugues Dayez ose comparer cette génération-là à celle des grands auteurs belges classiques — les Hergé, Franquin, Roba, Tillieux… C’est sans doute oublier un peu vite une autre génération importante, intermédiaire, celle des Tardi, Druillet, Moebius ou F’murr… Mais enfin, il n’en demeure pas moins que ceux-là, les interviewés de La nouvelle bande dessinée, sont en effet représentatifs d’une nouvelle approche.

Leurs oeuvres sont à la fois exigeantes & spontanées, franches & sans concessions, passionnées — personnelles! Cela fait du bien, de voir que de tels auteurs existent, et qu’ils parviennent même à « faire leur trou » au sein d’un domaine, la bédé, bouffé par les grosses machines à fric, les habitudes infantiles & la médiocrité intellectuelle auto-validée… Chaque fois que paraît un bouquin de ces gens-là (et heureusement il y en a un ou deux par mois, vu qu’ils ne chôment pas — encore une caractéristique rafraîchissante, par rapport à la plupart des auteurs commerciaux, qui ne pondent péniblement & au mieux qu’une petite bédé par an), je le ressens comme une bouffée d’air frais, un petit plaisir neuf qui me permet de « réinvestir » mon plaisir de la BD — mis à mal ces dernières années par les flots de drouilles…

Et j’ai dévoré ces neuf entretiens avec passion: car en plus (bien sûr), ils sont intelligents, ces mecs. On est loin du cliché (ô combien réel) du dessineux un peu con, lourdingue, banal. Et j’en ai vu des tas, de ces beaufs qui passent à la boutique pour une séance de dédicace… Au mieux, ils sont gentils — parfois, en plus, ils sont arrogants & prétentieux. Les neufs de La nouvelle bande dessinée pour leur part sont de vrais artistes — ils s’expriment avec intelligence, lucidité, passion, simplement & avec une culture sortant du cadre de la seule BD. J’ai particulièrement été touché par l’interview de Guibert: la manière dont il parle de l’amitié & de l’art, c’est bouleversant.

Leur approche n’est ni arrogante ni exclusive, ils sont sincères — et c’est chouette de partager, avec ce beau livre, un peu de cette expérience, de vivre en direct une période aussi féconde du 9e art.