#354

« J’aime Londres, beaucoup plus que la campagne anglaise; oui, j’adore Londres, c’est une masse, un ensemble, et c’est si simple. Puis, dans Londres, par-dessus tout, ce que j’aime, c’est la brume. Comment les peintres anglais du XIXe ont-ils pu peindre les maisons brique par brique? Ces gens ont peint les briques qu’ils ne voyaient pas, qu’ils ne pouvaient pas voir! »

Claude Monet, dans une lettre datée du 28 novembre 1918.

#353

Je suis vert de rage.

Je peste depuis la semaine dernière contre un éditeur indélicat, qui a publié dans un bouquin (un catalogue d’expo) un article signé de mon nom — qui se trouve en fait être une version sévèrement écourtée, sans mon accord, d’un article qu’ils m’avaient commandé & pour lequel ils ne m’ont jamais plus donné ni signe de vie, ni contrat, ni paiement, ni exemplaires, rien! J’ai découvert ce bouquin par hasard mardi dernier, dans une librairie. Charmant, quoi.

Et jusqu’à présent leurs réponses à mes demandes d’explications restent aussi froides qu’évasives. Vais-je devoir me lancer dans un procès ? Quelle dérision !

#352

La maison du sommeil

De la chambre d’Olivier s’échappe un souffle régulier, puis des froissements de draps, et le grognement décidé du dormeur replongeant tête baissée dans le sommeil.

Provenant du salon, une vibration ample & cadencée emplie l’appartement : Gianji dort en mélopée.

Enroulée sur mon pied droit, Drusilla ne bouge pas.

Nina lève la tête, pousse un petit cri, vient se blottir sous mon bras, ronronnante.

L’heure? Bah. Dodo.

#351

Je sais, oui je sais: trop peu de « posts » ces derniers jours… Il faut dire que comme chaque année à la même époque, je suis saisi par une sorte de phénomène psychologique particulier auquel j’ai donné le nom de « groumpf ».

Le « groumpf », c’est l’autisme qui s’empare de moi lorsqu’à l’approche de Noël je suis si fatigué (par le boulot de fou à la librairie) que je n’ai plus guère qu’une envie lorsque je rentre le soir: me déconnecter (joli paradoxe, lorsque l’on sait que je viens justement de prendre l’ADSL), me couper du monde, ne rien faire — et même: ne rien lire, c’est dire le malaise! À peine si je picore dans quelques bouquins d’art (l’idéal: Londres impressionniste, on croirait qu’on a fait ce bouquin exprès pour moi). J’ai pour le moment laissé en plan le pourtant très beau roman de Léa Silhol (La sève et le givre) et le non moins beau John Crowley (The Translator)…

Fierté quand même: hier j’ai écrit pendant presque toute la journée (juste une pause pour regarder le DVD de Schuiten & Peeters récemment paru, sur Auguste Desombres — chouette documentaire/fiction, décidément l’univers de ces deux créateurs-là me fascinera toujours & encore). Un peu avancé sur quelques nouvelles.

Mais pas pour « Volage » — je vais tout de même essayer de m’y tenir, de continuer en dépit du « groumpf », car le pari de cette publication régulière en ligne me plaît beaucoup (même s’il s’avère qu’effectivement la forme du weblog — ordre chrono inversé — n’est pas très pratique pour ça), c’est un aiguillon amusant & agréable.

Bon: à bientôt. Ne vous étonnez pas du (relatif) silence sur ce weblog d’ici janvier, je ne pense pas avoir l’énergie de beaucoup blogguer durant décembre…

#350

Qu’ai-je lu, sinon, durant ces quelques semaines où le présent weblog s’emplissait de réminiscences londoniennes?

Tant de livres, j’en perd parfois la trace: ainsi du Soviet des Fainéants d’Eduardo Gallarza, largement entamé puis (provisoirement?) abandonné au profit d’autres ouvrages… Tandis que j’ai enfin terminé de lire un gros historique du métro de Londres, et son « companion volume » largement illustré.

Si le style manquait cruellement aux polars de Michael Kurland, en revanche monsieur Assouline en a à revendre: lecture délicieuse de sa dernière biographie, celle de Paul Durand-Ruel, le marchand des impressionnistes. Tout en commençant un catalogue sur Manet, Monet et la gare St Lazarre. Et en poursuivant à petites gorgées (chaque midi) mon habituelle « tache de fond », L’éducation sentimentale. Ces lectures se répondent, s’enrichissent les unes les autres: plaisir fugitif & futile à comprendre ce dont Frédéric & les autres parlent, au détour d’une conversation politique chez Flaubert: monsieur d’Aumale, le grand duc Constantin, mais oui, bien sûr! 😉

Des nouvelles: Rhys Hugues, Edith Nesbit, Bradley Denton, Jean-Jacques Girardot, Agatha Christie…

Entamé le nouveau Francis Valéry: Le talent assassiné. Amusant mélange d’autobio & d’uchronie personnelle, totalement égocentrique, plein d’humour, superbement dédaigneux des étiquettes — mais lui manque encore, je crois, un p’tit quelque chose: le style, toujours le style! Francis n’a rien d’un grand styliste, j’en ai peur, alors qu’un tel projet aurait nécessité le surcroit d’esthétisation qui aurait validé sa démarche paresseuse… Mais tout le monde n’a pas un style. Hélas. Un Thomas Day, un Fabrice Colin, en voilà qui ont du style, parmi les jeunes auteurs actuels de la so-called « littérature de l’imaginaire » (comme si le reste de la littérature était condamnée au manque d’imagination). Des talents brillants — comme aussi David Calvo & Laurent Kloetzer, par exemple, quoi que pour ceux-là avec plus de scories, encore quelque maladresses. Francis Valéry pour sa part écrit limpide, simple ; il est déjà difficile de parvenir à une telle souplesse — mais il lui manque à mon goût une véritable couleur, un ton qui ne soit pas seulement celui de la gouaille orale du personnage.

Et moi, en ai-je du style? Ah, cela me va bien de critiquer mes petits camarades!

Lecture du moment, délice complet: The Translator de John Crowley. Pas du tout du fantastique, plutôt un mélange de « roman de campus » & d’espionnage, en tout cas avec la toile de fond de la guerre froide, très en demi-teinte, tendre & fascinant — et quel style, ça oui.