#223

Il y a les livres que je lis — déjà nombreux — et il y a ceux — plus nombreux encore — que je « picore »: recueils de nouvelles ou, plus souvent, recueils d’articles, qui se prêtent bien à une lecture pointilliste, au gré d’une envie d’un soir, d’une évasion ponctuelle…

Ainsi lis-je depuis déjà un bon bout de temps, autant pour le plaisir qu’afin de documentation, deux journaux de voyage sur Londres: In Search of London de H.V. Morton (apparemment un monsieur considéré en Angleterre comme un classique du « travelogue »), dans le texte de 1941 retouché en 1951 (une édition actuelle, chez Methuen, sous une fort belle maquette de couverture qui fut la première chose à m’attirer dans ce livre); et The Face of London de Harold P. Clunn, dans le texte de 1950 retouché en 1957 (il s’agit d’une édition d’époque, que j’ai acheté chez un bouquiniste lors de mon dernier séjour là-bas).

Morton est un véritable promeneur, il flâne dans Londres en contant mille anecdotes, tant historiques que contemporaines de l’écriture (l’après-Blitz), c’est savoureux & superbement écrit. Clunn propose un guide touristique plus classique, à la prose dense & portée sur le commentaire urbanistique/architectural. Le premier est un vrai bonheur de lecture, de la littérature tout autant qu’un guide de voyage; le second est écrit à la truelle, purement informatif.

Mais dans les deux cas, je savoure avec plaisir un décalage assez étrange — car bien des traits présentés là n’appartiennent plus qu’au passé, Londres a changé, évolué, il me faut souvent un effort de mémoire pour rétablir la capitale britannique telle que je la connais, par rapport aux descriptions offertes. Ce sont deux voyages dans le passé — vers l’après-Blitz, lorsque Londres ne s’est pas encore relevé ni des traumatismes & destructions de la guerre, des privations de l’après-guerre. Le tout début de In Search of London est saisissant, dans son portrait d’une City réduite à l’état de gravas où poussent les fleurs sauvages… (j’ai d’ailleurs vu, depuis, que Michael Moorcock en faisait une citation, au début de son Mother London).

Ces deux lectures me replongent dans ma ville fétiche, bien entendu, elles alimentent & entretiennent ma passion , mais elles me servent également de documentation, ai-je dit — à savoir que j’y recherche tel ou tel détail sur des quartiers ou des rues dont j’ai besoin dans les nouvelles auxquelles je travaille (qui, elles-mêmes situées dans une époque décalée — uchronique — se satisfont donc particulièrement bien de l’aspect « rétro » de mes guides), et que j’y trouve aussi des anecdotes & détails qui nourrissent ma fiction.

Il y a quelques soirs, j’ai pris Something to Declare de Julian Barnes. Un recueil d’articles: des chroniques de bouquins, pour la plupart orientées vers la France (la seconde moitié du recueil est consacrée à Flaubert & son entourage). C’est léger, plaisant, la prose de Barnes divague tranquillement autour de ses sujets. J’ai été particulièrement amusé de constater que Julian Barnes semble atteint de la même maladie que moi: il est aussi fasciné, passionné, par la France que je peux l’être moi-même par la Grande-Bretagne. Et, de fait, ce qu’il dit en intro sur la francophilie peut aisément être retourné pour décrire mon anglophilie:

Knowing a second country means choosing what you want from it, finding anti-theses to your normal, english, urban life; discarding the sense of responsibility you feel about your own country, giving yourself a rest from the bilious emotions stirred by your own public representatives. (…) The cultural period I am constantly drawn back to is roughly 1850-1925 (…): a wondrous stretch not just for French culture but also for French cultural hospitality.

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