Deux lectures aussi délicieuses que « décalées », deux flâneries: Les gens de peu (par Pierre Sansot, chez PUF Quadrige) & Cabanes perchées (par Peter & Judy Nelson, chez Hoëbeke).
Le premier prétend être un essai d’anthropologie. Je demeure un peu sceptique quant au sérieux de cette démarche aux prétentions scientifiques: outre mes habituelles réticences quant à la socio/ethno, je m’interroge sur les sources de l’auteur, sur la pertinence de sa démarche aujourd’hui. Les gens de peu me semble un superbe ouvrage de poésie urbaine, une belle pièce de littérature — mais comment l’auteur justifie-t-il de n’étudier en fait qu’une France du passé? Un passé récent mais imprécis, partiellement mythifié, certainement poétisé. Une « France d’en bas » qui fleure les fifties plutôt que le quinquénat rafariniste: ni beurs ni cités difficiles, mais chanson des rues, guérisseurs, petits bricoleurs, ménagères, camping, 14 juillet & Tour de France…
Dans son introduction (narrée avec le pompeux « nous » des Sciences Humaines), Sansot ne présente guère que des excuses & ne cerne pas réellement ni son champ d’étude ni son espace temporel, pas plus que ses sources de recherche… Si la quat’ de couv’ nous dit qu’il « a voulu discerner les traits d’une catégorie sociale d’êtres rapprochés par un certain mélange de modestie et de fierté, et, en particulier, par un goût commun pour des bonheurs simples », nous n’en saurons en fait pas beaucoup plus long… Sociologie réelle ou ethnologie rêvée? Si j’ai adoré ce livre, ce n’est pas du tout en raison d’une quelconque pertinence actuelle, mais parce qu’au contraire j’ai eu l’impression de m’y promener dans une étude du petit peuple selon Simenon… Oui, il y a plus de Maigret, ou un peu de Tati, et même beaucoup de Jacques Réda, que de science ici.
Mon autre lecture/promenade se fit au sein d ‘arbres que couronnent des cabanes: si l’architecture contemporaine est une de mes passions, celle présentée dans ce beau livre est artisanale, non conformiste, bricolée plutôt qu’high-tech. Rêves de logis haut perchés, de frondaisons habitées — de « sentinelles de la canopée », pour reprendre la belle expression des auteurs. Une heure ou deux de fantasme écologico-casanier en alléchantes photos…