Quelle est difficile, la nostalgie. On aimerait croire qu’à un niveau ou un autre, métaphysique, éthérique? les murs résonnent encore de nos rires, de nos discussions passionnées. Et considérés de l’extérieur, les lieux ne semblent pas avoir changés: les mêmes tables bleues, la même pizza informe peinturlurée sur la vitrine, le même nom…
Las, le temps a passé: Béchir tient maintenant une épicerie je ne sais plus où dans Villeurbanne, et même son frère Mohamed, qui avait repris l’affaire fut un temps, se sera donc fatigué: deux jeunes tiennent la boutique, derrière un comptoir trop haut. Et finie l’odeur de graillon — remplacée par celle de la javel, gagnons-nous rélellement au change?
Les murs devenus blancs, les tables alignées serrées, la cuisine au fond qui a disparu pour faire un peu plus de place — « notre » kebab s’est transformé, plus froid, plus anonyme, et jusqu’aux infâmes tableaux multicolores qui ont été remplacés par leur équivalent photographico-computérisé. La modernité a rattrapé mes souvenirs: maintenant, même le kebab se découpe à l’aide d’une sorte de gros rasoir électrique.
Combien d’années? Deux ans, trois ans? Chaque jeudi midi ceux de la Gang se réunissaient là. No more.