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Je ne sais ce qu’est un « ancien haouch de campagne du XVIIIe siècle », mais c’est ce qu’était Abd-El-Tif. La Villa Abd-El-Tif, plus précisemment, qui fut durant près de trente années un équivalent algérien de la Villa Médicis de Rome, une agréable maison mauresque située sur les hauteurs d’Alger, qui accueillait les jeunes artistes français récompensés par cette distinction. La grande influence picturale d’Abd-El-Tif fut Albert Marquet, et cela se voit: le musée des Beaux Arts de Roanne propose une exposition sur cette école — et l’on semble n’y voir que Marquet & des copies de Marquet…

Drôle de destination pour un samedi de repos? Il est vrai que Roanne n’est guère riante — une petite ville mourante, perdue au milieu des montagnes, sans charme particulier… La mollesse déprimante de la profonde province, qui même sous l’azur immobile d’un beau jour ne dévoile que boutiques banales & voyous dérisoires (les « racailles de campagne », selon Olivier). Et puis le bistrot obscur, cave somnolante sous un écran de foot: glauque est leur couleur. Mais enfin: Marquet! Un des peintres qui me fascine le plus. Il aurait été sot de manquer cette exposition. Même si à dire vrai la thématique « sud » ne m’attire guère & que je ne me sens vraiment pas attiré par Alger.

Mais enfin: Marquet! Ce trait épais & apparemment simple, les contours gris, les formes épurées, les teintes étrangement mélancoliques. Avouons que ses disciples ne parvenaient pas réellement à égaler cette patte faussement naïve, cette poésie minimaliste. Tout juste un certain Armand Assus (1892-1977) m’a-t-il semblé à la hauteur. Le reste, hors Marquet, s’avèrant plutôt « croûteux ». Tant pis: la grâce d’un Marquet l’emporte aisément sur l’indifférence de ses pâles confrères.

Joli petit musée, de fait, quoique forcément fauché: leur seul Delacroix a une dimension de carte postale (une minuscule étude) & ils osent exposer un… « Entourage d’Édouard Manet »?!? C’est un peu fort… Le fond du musée vaut bien le détour, cependant: le peintre local, Jean Puy (1876-1960), dont la maîtrise technique hésitait un peu trop faute de réel style, impressionniste un jour, fauve le lendemain, mais de belles choses. Notamment ce « Lus-la-Croix-Haute » tout de blanc, gris & rose, presque abstrait à force d’effacement dans la neige du paysage. D’une beauté gracile que sa reproduction en carte postale ne sait vraiment pas rendre, hélas. Et puis quelques autres bonheurs sur ce même mur, en particulier un « Paysage par temps de brouillard » d’Eugène Carrière, décidément cinglé — indescriptible flou d’ocre.

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