#612

A Reminiscent Drive (bordel 5)

Après ce bout de couloir, s’ouvrait une sorte de courette, mais pas à l’extérieur, non: un atrium fermé, aux murs beiges, que dominait tout là-haut une verrière pointue. Droit devant, fermant l’immeuble, se trouvaient deux chambres. Elles ne voyaient jamais la lumière, vraiment, l’éclairage fournit par la verrière étant trop ténu pour baigner l’immeuble dans autre chose qu’un faux-jour grisâtre et tremblant. Alors ces deux chambres-là, en dépit de l’imposte au-dessus de leur porte, n’étaient vouées qu’à l’éclairage électrique. Qui vivait là, exactement, je ne l’ai jamais trop su. Deux vieux mecs, le teint cireux et la mine peu engageante, qui n’entraient jamais en conversation avec les autres résidants du puits.

Sur le côté gauche, contre le volet éternellement baissé de la fenêtre sempiternellement close de la chambre sans habitant, grimpait un étroit escalier en colimaçon, de métal sombre. Sonores, ses marches se tortillaient jusqu’à la première mezzanine: une chambre rectangulaire, qui servait de nid douillet (?) à un couple illégitime — un vieux bonhomme et une grosse dame, furtifs, qui amenaient de temps en temps leur bedaine, leurs cheveux gris et leur désir encore jeune en ce lieu de perdition.

Une mince passerelle enjambait l’atrium, pour rejoindre deux chambres carrées: la mienne et sa voisine. Avec chacune une haute fenêtre ouvrant sur le puits, version moderne de ces bordels d’autrefois au regard entièrement tourné vers la vie intérieure de l’établissement. Je me souviens avoir vu, à cette époque, un film fantastique chinois, Rouge, sur le fantôme d’une jeune prostituée hantant les rue du Hong-Kong contemporain, et m’être dit que les dorures et laques en plus, l’architecture ne semblait guère différente là-bas d’ici, en matière de maisons closes.

Et puis le colimaçon reprenait, au terme de la mezzanine, pour grimper au deuxième et dernier étage: au-dessus de ma chambre une grande pièce rectangulaire, quasiment un studio. Occupé par un professionnelle dont je maudis plus souvent qu’à mon tour les hauts talons claquant sur le lino. Et puis, le jouxtant, une minuscule chambrette genre « de bonne », à ma connaissance presque toujours inoccupée — comment quelqu’un aurait-il pu louer ce refuge désespérant de petitesse et de pénombre? Et de l’autre côté du gouffre, que l’on franchissait encore par l’une de ces passerelles chétives jetées sous la verrière, à la lumière éblouissante à cet étage, les WC communs.

(to be continued)

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