#760

Au sein de l’avalanche de bouquins que je lis — car j’ai forcément tout le temps des tas de choses en cours en même temps, à la lecture motivée par divers projets, les Moutons électriques, les éditeurs pour lesquels je suis lecteur, etc — je suis en train de terminer Bone de Jeff Smith: l’intégrale! Depuis qque j’avais acheté cet énorme bouquin, plus de 1000 pages de BD, j’avais envie de me plonger dans la relecture complète et suivie de tout ce très attachant cycle de fantasy. Et non seulement ne suis-je pas déçu, bien entendu, mais encore découvre-je de nouvelles dimensions à cette oeuvre, révélée par la lecture continue plutôt que par fascicules de temps en temps. Mm, sans doute un article un de ces quatre.

J’ai reçu hier une poignée de livres d’un éditeur small press anglais, PS Publishing. Au sein desquels une novella de Mark Chadbourne, The Fairy Feller’s Master-Stroke, joliement publiée en un seul mince volume hardcover sous préface de Neil Gaiman. Double curiosité que cette lecture: primo parce que je suis actuellement plongé dans l’énAUrme cycle de fantasy apocalyptique de Mark Chadbourne (lecture commandée par un éditeur), secundo parce qu’avec un titre pareil… Car « The Fairy Feller’s Master-Stroke », c’est un tout petit et très beau et très étrange tableau victorien, qui peut se voir à la Tate Gallery de Londres. L’une des oeuvres tardives — et sans doute la plus connue — du peintre fou Richard Dadd, interné à l’asile de Bedlam après qu’il eut assassiné son père. Un tableau particulièrement fameux auprès des amateurs de féerie, une toile surchargée de personnages dont se dégage un charme presque inquiétant dans son mystère.

Chadbourne est un écrivain commercial — son cycle n’appartient pas au domaine du speudo-médiéval, mais draine néanmoins un important lectorat. Pour autant, et c’est un aspect qui me plaît bien entendu beaucoup, c’est un excellent styliste: sa plume, typiquement anglaise, rappelle celles de Stephen Gallagher, de Chaz Brenchley ou de Graham Joyce. Et laissant de côté le temps de cette novella ses apocalypses celtes et ses confrontations du monde actuel avec les mythes anciens, il brode un texte intimiste où jamais ne perce tout à fait la féerie, qui demeure à l’état de doute, d’ombres entr’aperçues du coin de l’oeil, de subjectivité à la dérive. Superbe.

#759

Make no mistake, innocence is important, whatever the cynics might tell tou. Anyone who whispers, It is time to put away childish things should not be trusted. Grown-up things are better? Please! They only say that to make themselves feel good about losing all that they valued when they were younger. In particular, a way of seeing the world unmarred by the petty failures and miseries of adulthood and all the bitterness and mistrust that engenders.
I always aimed to spend my whole life trying to keep my childhood with me; not the toys and the games, but the ability to see the wonder at the heart of the mundane. And I did try, but it’s been a long, hard fight, believe me. When you start out it’s impossible to guess the sheer enormity of the forces lined up against that mission. Those who have failed don’t want you to succeed because it makes their failure more acute to see what they’re missing.
(Mark Chadbourne, The Fairy Feller’s Master-Stroke, 2002)

#758

6h du mat’ ou dans ces environs. De l’autre côté de la vitre le ciel a coulé sur les toits, laiteux, la ville en pers, plate et froide. Je respire le bleu fragile du petit matin. Sur la cheminée de la boulangerie, le tourniquet lance des étincelles douloureuses. Le parquet brille aussi, ciré par la lactance qui s’écoule par l’étroite fenêtre du salon. Les trilles matinales des oiseaux, claires et acides, sont couvertes un instant par des croassements, sombres et ouatés. Assis un instant, je souffle, m’étire — encore un fichu cauchemar, dont je me suis tiré en sursaut. J’me fais trop d’films. Cette fois un vrai polar. Des tiraillements dans le cou et les yeux plein de sable, je retourne dormir. Si possible.

#757

J’avais déjà regardé Sky Captain and the World of Tomorrow sur l’ordi, mais je tenais absolument à le voir en grand au ciné, pour en prendre plein les yeux — et puis j’essaye d’éviter le piratage, si possible. Et plein les yeux j’en ai pris!

J’en ai encore les yeux qui piquent, pour reprendre une expression de mon copain Daylon. Un grand beau film, très amusant et ultra-référentiel, essentiellement un énorme trip esthétique sur l’imagerie « pulp ». Saturations, flous, clair-obscurs, impossible de discerner la frontière entre l’animation 3D et les vrais décors/acteurs, l’oeil chavire de bonheur.

#756

Brr, ces cauchemars que j’ai fait cette nuit! Non, pas envie de les raconter… Ils m’ont laissé un goût amer, j’ai du vague à l’âme ces derniers jours — mais il ne faut pas chercher bien loin, c’est peut-être un contre-coup de la légère fatigue que je ressens depuis que je suis rentré de Nice. Ou alors, l’effet du printemps, tout ce terrible beau temps qui pèse sur mon sentiment de solitude.

Mm. Ceci dit, je ne suis pas à plaindre, pourtant. Les jours s’écoulent doucement, dans un flot assez confortable de lectures (des livres, toujours des livres!), d’écriture (sans doute pas assez), de maquettes (c’est fou comme j’ai déjà hâte de me mettre à bosser celle de Fiction tome deux, alors que le premier sort tout juste), de petites tâches diverses pour la maison d’édition (j’en ai abattu un bon nombre de vaguement chiantes ce week-end). Des enveloppes, des enveloppes, des paquets, des factures, presque tous les jours à la Poste.

Et puis un tour des librairies lyonnaises jeudi dernier, le concert de jazz dont j’ai déjà parlé, un film au ciné (Team America — déjanté et de mauvais goût exactement comme j’aime), ce soir Sky Captain and the World of Tomorrow (c’est dingue le nombre de films d’animation qu’il y a de nos jours)… Manqué le concert de John Greaves samedi soir, dommage mais pas bien grave — ça m’aura évité une nouvelle expédition vers le lointain Vaulx-en-Velin, terre de tous les dangers. Une péripétie étrange mais finalement sans gravité: une nuit aux urgences, je ne sais plus si c’était jeudi ou vendredi. Un copain qui s’était pété le pied. Soudaine plongée dans un réel pas marrant. C’est ça aussi, creuser le réel. J’admire les infirmier(e)s: putain de boulot. La petite infirmière italienne était sacrément mignonne.

Voilà: le quotidien d’un p’tit éditeur.