#1328

NYC 3

Sans doute est-ce un cas de « fish-sky at morning » comme l’écrivait Ferlinghetti: ciel bas et gris ce matin, vaguement fumeux. Par moments dans la journée, certaines tours disparaîtront partiellement dans les nuages – la pointe de l’Empire State, les écailles du Chrysler (dont, la veille, nous avons été admirer de près l’incroyable obsession du détail Art déco), même la façade de la MetLife. En fin de journée, le Chrysler va s’adjoindre un halo lunaire de fin crachin. Fin de journée que nous occuperont de ce fait en allant au Whitney Museum of American Art manère d’échapper à la pluie en se cultivant. Un petit musée, tout de béton brut, à la collection peut-être un peu trop réduite et certainement un peu mineure, mais intéressante: première fois que j’ai l’occasion de voir « en vrai » des Arthur Dove, par exemple. Admiration pour un immense tableau d’un certain Bellows, Floating Ice » (1910). Découverte de l’école dite du « Precisionism » superbes ports industriels de Charles Sheeler). Un clown blanc dîne chez Hopper, deux boxeurs s’affrontent sous l’oeil de Clark Kent chez Bellows. Quelques expressionistes abstraits, bien sûr, dont « Laughing Boy Rolling » de Steve Wheeler (1946). Et puis le délice: des Calder, dont son petit cirque tout de bouts de fer et de chiffons.

En redescendant vers le hall d’entrée du musée, dérivant sans enthousiasme excessif dans les expositions temporaires, nous faisons halte devant une fenêtre: comme souvent dans tous les musées du monde, l’architecture du bâtiment et la manière dont elle met en scène son environnement, est presque aussi important que ses collections. Cette tranche de rues nocturnes à Manhattan acquiert soudain le caractère d’épure d’une composition à la Chris Ware.

A la librairie Barnes & Noble d’Union Square, après avoir bavé d’envie dans le rayon de graphic novels et dans celui des social studies sur la culture de masse, un chai tea latte et une bretzel jalapeno me font exploser les papilles. Jean, ravi, affirme qu’il ne supportera plus que l’on prétende qu’on mange mal aux States. « It’s not magic, it’s coincidence » se marre le jeune nerd à nos côtés, en tapant sur la tête de son camarade, qui prend des notes avec un coude sur les journaux de Michael Palin. Par les hautes croisées peintes en vert sombre, qui percent le mur tapissé de rayures vertes, s’aperçoit la canopée du square. Nous venons de discuter d’un projet d’ouvrage sur Art Spiegelman, lorsque Jean me fait signe de faire silence: il écoute nos nouveaux voisins. De ce jeune couple, l’homme parle avec un accent vaguement slave. Nous réalisons finalement qu’il s’exprime surtout en hébreu. Jean repère quelques pluriels en « im » dans cette langue rocailleuse et sonnante.

Fascination au pied du Flat Iron: une telle icône architecturale, à, en vrai. Admiration autour de Gramercy Park de la brownstone new-yorkaise la pierre couleur chocolat. Déception au pied de l’Empire State Building: King Kong n’avait absolument pas la place de s’écraser directement sur le trottoir, étant donnée l’étroitesse de la voie. Nous aurait-on menti?

Dans la vitrine de la librairie d’ancien « Argosy », des lettres autographes de Thomas Mann, Stan Laurel, Harry Houdini, C.G. Jung et François Truffaut.

Une réflexion sur « #1328 »

  1. Sur le trottoir? Quelle idée! Je connais peu de trottoirs (litote) assez larges pour accueillir la dépouille d’un singe de huit mètres de haut!

    Il semble évident que Kong s’est écrasé dans l’avenue, au milieu de la chaussée, et non pas dans la 31 ou la 32e rues, trop étroites.

    De toutes façons, les films ne sont que des re-créations. Il faudrait voir sur les fotos d’époque.

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