Le froid encore. L’air est glacé mais non point immobile, puisque souffle par moment un vent brutal, sa giffle siffle sur la façade, fait vibrer la longue chaîne qui pendeloque de la grue. Nous avons passé le solstice d’hiver, l’espoir naît donc que le jour s’allonge un peu, que l’on sorte enfin de cette période où dès trois heures la lumière se fait moins nette, où derrière le rose qui baigne tout, qui enflamme les tuiles, sourde déjà la nuit. Mais sur la neige l’éclat blanc vire lentement au bleu, comme si en hiver le nocturne se levait non pas de l’horizon mais des éléments proches, du dessus des toits, des stalagtites de gel au bord des gouttières, du crêpage neigeux des arrêtes. Retranché derrière la fenêtre de ma cuisine, goûtant la chaleur illusoire de mes murs rouges, je m’étonne de l’épais silence de ce dimanche de Noël. Avec pour seul murmure celui de la chaudière, haletante, cliquetante, mais rien au dehors, juste le vent, la géométrie figée des toits et des façades, les claquements secs du drapeau en haut de la grue. Unique signe de vie: la fumée qui s’échappe d’une cheminée, saisie une instant par la lumière, dans l’échancrure de la place. Le regard opaque de la cabine de grue contemple tout cela sans broncher, les croisillons de son long nez pointés vers le sud. Grondement du vent puis tout redevient silencieux. La ville est absente.